Mardi 19 mars 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
dimanche 29 janvier 2017 à 12h27
Berlioz, Berg et Ligeti, vedettes de la 21ème édition du Festival de Pâques de Deauville, mais aussi l’Harmonie de Lisieux-Pays d’Auge (plus vieil orchestre d’harmonie de Normandie) – cette dernière participant au concert d’ouverture du 15 avril avec la recréation néo-pop(u’) de la Symphonie fantastique de Berlioz signée Arthur Lavandier et Le Balcon, sous la direction de Maxime Pascal. Un spectacle haut en couleurs, dont François Lafon a déjà dit le plus grand bien (ici). Ce premier concert, en coproduction avec la Fondation Singer-Polignac, associe au Balcon la soprano Julie Fuchs, dans Debussy, Haendel et Mahler – Rückert Lieder. Le lendemain, Karol Beffa, biographe et récent auteur d’un Ligeti (voir ) présente des œuvres de jeunesse (années 50) de son musicien préféré, ainsi que des partitions de la maturité (Quatuor à cordes n° 1, Trio pour cor, violon et piano et quatre Études pour piano) par, entre autres, Jonas Vitaud (piano) et le Quatuor Hermès. La musique de chambre tient toujours le haut du pavé avec Fauré, Schubert (Trio op. 100), Brahms, Chostakovitch (Quintette) et Strauss (Métamorphoses), sans oublier un final en beauté avec le Concerto de chambre de Berg (30 avril) - avec le concours, parmi les solistes, de deux cofondateurs du Festival, Renaud Capuçon (violon) et Nicholas Angelich (piano). Enfin, un partenariat original et une passion hippique commune avec la ville et l’université de Lexington (Kentucky) sera l’occasion d’un programme américain (Ives, Gershwin, Terry Riley…), avec les Quatuors Verdi et Niles. On y court.  

Franck Mallet
 
21e Festival de Pâques de Deauville, du 15 au 30 avril. www.musiqueadeauville.com (photo Maxime Pascal© DR)

samedi 28 janvier 2017 à 22h32
Né en 1924, d’origine en partie américaine, il étudie la musique et la musicologie de 1947 à 1953 à Yale  et à Paris, sa ville natale, avec notamment Yvonne Lefébure et Nadia Boulanger, et exerce des activités de critique. Très tôt, il se passionne pour Gustav Mahler, dont le nom reste inséparable du sien. Je fais sa connaissance juste avant 1960, alors qu’il s’attaque  à une biographie fondamentale du composteur, dont le premier volume paraît à New York en 1973, puis à Londres. En français, trois volumes d’une édition revue et augmentée - « Gustav Mahler, Chronique d’une vie » - voient successivement le jour en 1979 (« Vers la Gloire 1860-1900 »), 1983 (« L’âge d’or de Vienne 1900-1907 ») et 1984 (« Le génie foudroyé  1907-1911 ») : total 3.788 pages, certainement pas trop. Ce n’est pas tout ! Auteur de  Vienne, une histoire musicale  (1991), il coédite en 1997 la première édition complète de Die Briefe Gustav Mahlers an Alma (« Les lettres de Gustav Mahler à Alma »), non traduit, en situant ces lettres dans leur contexte biographique et artistique, sans pour autant renvoyer aux oubliettes de l’histoire mais en soumettant à une critique très pointue le volume partiel et censuré publié par la « veuve » en 1925. Et reste ce qui apparaît aussi essentiel que les trois volumes de 1979-1984 : la fondation à Paris en 1986 de la Bibliothèque Gustav Mahler, haut lieu depuis cette date pour les rencontres,  la documentation et les études, dont ont heureusement tiré profit nombre de mélomanes, étudiants et chercheurs. Henry-Louis de La Grange est mort le 27 janvier 2017 à Morgues (Suisse), où il s’était retiré.
Marc Vignal

(Photo © DR)

mardi 24 janvier 2017 à 00h00
A l’Athénée, premier des trois Lundis musicaux de la saison patronnés par l’ensemble en résidence Le Balcon, clin d’œil aux récitals hebdomadaires donnés de 1977 à 1989 par le gotha du lyrique devant des salles combles. Plus une place non plus pour ce programme « Histoires naturelles » du baryton Stéphane Degout avec Cédric Tiberghien en accompagnateur de luxe. Un programme à tiroirs, assez éloigné du récital classique. En première partie : Apollinaire mis en musique par Poulenc, grand écart toujours difficile entre le grand style (« Chanter Le Bestiaire avec ironie est un contre-sens complet ») et ses dérapages canailles, embardées que le pianiste, très en forme, assume plus aisément que le chanteur, tous deux laissant la place à la voix enregistrée d’Apollinaire (« Sous le pont Mirabeau… »), dont Poulenc disait le timbre « mélancolique et joyeux ». Autre ton après l’entracte, où le flûtiste Matteo Cesari et le violoncelliste Alexis Descharmes se joignent au duo pour les Chansons madécasses de Ravel, elles-mêmes introduites par Cendres, une pièce … incandescente de Kaija Saariaho destinée selon Decharmes à « sortir de la zone de confort et à écouter Ravel autrement ». Magistrales en effet ces Madécasses où Stéphane Degout retrouve tout son charisme, pince sans rire comme il se doit les Histoires naturelles qui suivent (le texte est de Jules Renard) où chanteur et pianiste en parfaite osmose répondent par l’affirmative à la question perfide de Debussy : « Entre nous, est-ce que vous croyez sincèrement à la musique humoristique ? ». La soirée, comme chaque Lundi musical, fera l’objet d’un CD « Théâtre de l’Athénée live » (B Records). Un réflexe que l’on n’avait pas, à l’époque des Lundis historiques… 
François Lafon

Théâtre de l’Athénée, Paris, 23 janvier (Photo : Stéphane Degout © DR)

55 jours, 25 lieux, 180 représentations, 1200 artistes : comme chaque année depuis 1990, le festival de Ravenne annonce son programme, traditionnellement lié aux grandes causes de l’époque. Thème phare de l’édition 2017, après "Nelson Mandela et la défense des droits civils" en 2016 : Le Bruit du temps, référence au Fracas du temps, le roman de Julian Barnes consacré à Chostakovitch, vitrine et victime de la défunte URSS. Un façon critique de commémorer la Révolution russe et de définir le siècle qui a suivi. Evocation de Ravenne, ville de Dante, à travers … L’Enfer, spectacle total (Le Purgatoire et Le Paradis suivront en 2019 et 2021), Route des Indes et Révolutions en musique, dont Victoire sur le Soleil (1913), opéra futuriste de Mikhaïl Matiouchine, reconstitué – avec les décors de Malevitch – par le Théâtre Stas Namin de Moscou. Forte présence russe d’ailleurs dans le programme, du Chœur orthodoxe du Patriarcat de Moscou à Youri Temirkanov avec le Philharmonique de Saint Pétersbourg, jusqu’à la Trilogie d’automne, trois opéras célébrant l’Italie (Cavalleria Rusticana, Pagliacci et Tosca) dirigés par le biélorusse Vladimir Ovodok, ce dernier élève brillant de l’Opera Academy fondé par Riccardo Muti … dont l’épouse Cristina Mazzavillani Muti est la présidente du festival. Au centre culturel italien, où la manifestation est promue, Muti en personne évoque, avec un bagout inattendu pour qui le connaît en péremptoire maestro, ses Routes de l’amitié – un concert par an dans un lieu emblématique - aventure commencée en 1997 à Sarajevo en ruines et passant cette année par Téhéran. Dans la salle, Gérard Depardieu appuie ces fracas du temps par sa forte présence et quelques mots enthousiastes. Un symbole à lui seul.
François Lafon 

Ravenna Festival, du 28 mai au 11 juillet, et du 17 au 23 novembre. info : ravennafestival.org (Photo © DR)
vendredi 6 janvier 2017 à 09h23
Certes, ce n’est pas le premier ouvrage consacré à Ligeti, qui bénéficia d’une attention soutenue dès le milieu des années soixante-dix, et de commentaires aussi savants et diversifiés que son œuvre. Mais Karol Beffa, issu d’une jeune génération bardée de premiers prix du CNSM de Paris (harmonie, contrepoint, fugue, orchestration, improvisation au piano, etc.) et qui débuta par ailleurs comme critique musical, aborde Ligeti dans sa totalité, et pas seulement par son œuvre. Disons-le tout net, cet ouvrage est le premier à établir une synthèse et une analyse détaillée d’un catalogue foisonnant, voire disparate, avec un recul salutaire, loin des querelles de chapelles. Rien de ce qui a été écrit et dit sur (et par) Ligeti n’a échappé à la vigilance de l’auteur, qui cite en toute honnêteté ses sources. De la jeunesse du musicien juif balloté entre la Roumanie et la Hongrie au cœur de la Deuxième Guerre mondiale avec des premières œuvres essentiellement chorales, au théâtre rythmé et polytonal qui distingue l’ensemble de ses partitions à partir des années soixante-dix, dopées par « un sourire salvateur » (Beffa), l’auteur avance pas à pas dans le catalogue bigarré d’un compositeur qui emprunta toujours : « les sentiers détournés pour éviter coûte que coûte les avenues trop larges et solennelles. » L’élégance stylisée de Miro, l’humour de Lewis Carroll, mais aussi un art de l’illusion proche du graveur Escher et un sens de la provocation repris de Tzara, associés à une certaine vampirisation du passé comme des courants « avant-gardistes » du XXe siècle (sériel, répétitif et spectral) : voilà un portrait bien complet, sensible et sans complaisance, de Ligeti en jongleur des temps modernes, dont le testament est sans conteste le piano étincelant et miniaturiste des trois cahiers d’Études (1985-2001), sur lesquels l’auteur – est-ce vraiment un hasard, de la part de ce pianiste distingué dans l’accompagnement du cinéma muet ? – livre ses commentaires les plus personnels.
Franck Mallet
 
Karol Beffa, György Ligeti. Fayard, 462 p. 28€
mercredi 4 janvier 2017 à 21h08
Georges Prêtre, qui vient de disparaître à 92 ans, était le « chef de Callas » et « le chef acclamé partout sauf dans son pays natal ». Deux distinctions à double tranchant : c’est de la Callas déclinante, installée à Paris et comme lui sous contrat avec La Voix de son Maître, qu’il était devenu le Tullio Serafin tardif. Le « Nul n’est prophète… » est plus largement partagé : Bertrand de Billy, excellent chef français fêté (comme lui) à Vienne, était encore hué la semaine dernière au Palais Garnier dans Iphigénie en Tauride de Gluck. La clé du mystère Prêtre réside peut-être dans l’engouement qu'eut pour lui son mentor Francis Poulenc : ce natif du Nord, élève de Maurice Duruflé au Conservatoire de Paris, était à la fois prosaïque et raffiné, donc tout trouvé pour créer La Voix humaine, ce qu’il fit en 1959 avec la soprano Denise Duval, imposée par le compositeur contre l’avis de son éditeur, qui lui aurait préféré … Maria Callas. En 2008 et 2010, Georges Prêtre a dirigé – premier et jusqu’à ce jour denier Français à le faire – le très médiatisé Concert du nouvel an à Vienne, consécration d’autant plus inespérée que c’est du Wiener Symphoniker, moins coté que le Wiener Philharmoniker, qu’il avait été premier chef invité de 1986 à 1991. Il était par ailleurs considéré en Italie, et particulièrement à la Scala de Milan, comme l’égal de Claudio Abbado ou Riccardo Muti. L’effet Callas, encore une fois ? 
François Lafon
 

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