Mercredi 11 décembre 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
lundi 31 octobre 2011 à 10h19

Un homme en noir dérobe des pâtes dans un musée, avant de s’enfuir par les toits. Musique : Allegro con brio de la 25ème Symphonie de Mozart. Une Clio musclée déplace une citerne. Musique : Non piu andrai, extrait du 1er acte des Noces de Figaro. Un couple joue aux échecs, sourires Email Diamant. Musique : Voi che Sapete, l’air de Chérubin. Appareil photo E720 de Samsung avec lecteur de MP3 intégré. Musique : la Marche turque. Verkade, fruits and form, ou comment arriver la première dans l’ascenseur occupé par le patron. Musique : le Dies irae du Requiem. Faisselle Rians, 100% naturelle. Musique : encore la Marche turque. Dernier en date : une voix de femme décrit l’intérieur de la Renault Energy dCi 130, pendant qu’on en voit le moteur et qu’une voix d’homme se demande si le plus étonnant dans cette voiture, ce n’est pas, justement, le moteur. Musique : le Porgi amor de la Comtesse dans les Noces de Figaro. Tout a commencé avec la Reine de la nuit, muse du riz Taureau ailé de Lustucru. Rien de tel que Mozart pour enchanter le plus utilitaire des produits. C’est beau, la pub.

François Lafon
 

mardi 25 octobre 2011 à 10h58

« En répétition, il n’entend pas si l’orchestre est accordé ou non. Il ne fait pas non plus la différence entre un hautbois et un cor anglais. » Licenciements, démissions, impression de protest T-shirts : c’est la guerre entre les musiciens du KBS (Korean Broadcasting System) Symphony Orchestra de Séoul et leur chef Shinik Hahm. Le maestro Hahm, fils de pasteur, né en Corée en 1958 et parti pour les Etats-Unis à vingt-cinq ans avec 400 dollars en poche, affiche un beau parcours. « L’orchestre, dirigé par Shinik Hahm, a offert à la violoniste Sarah Chang un accompagnement sympathique et chaleureux », pouvait-on lire en octobre 2010 dans le New York Times à propos d’un concert à Carnegie Hall. Manif, un an plus tard, des membres dudit orchestre : « Nous ne sommes pas un cirque. Chef incompétent, démission ! ». Côté salle et côté scène, la perspective n’est pas toujours la même, et cela ne touche pas que les chefs de deuxième rayon. Dans les années 1970, à l’Opéra de Paris, musiciens et chanteurs admiraient Claudio Abbado, mais plébiscitaient l’honnête maestro Nello Santi. Plus récemment, le nom de Carlos Kleiber n’inspirait au Konzertmeister du Philharmonique de Vienne qu’un morne « Ah oui, lui aussi est venu nous diriger ».

François Lafon

mardi 18 octobre 2011 à 08h22

Vernissage, à la Cité de la Musique, de l’exposition Paul Klee, Polyphonies. Le sujet est en or, mais truffé de pièges. Fils d’une chanteuse et d’un professeur de piano, époux d’une pianiste, violoniste lui-même, fou de poésie et de théâtre, Klee aurait pu devenir compositeur ou virtuose professionnel, s’il n’avait été un génie du dessin et de la peinture. Avec le mélange d’intellectualisme et de simplicité qui le caractérise, il a, jusqu’à sa mort, rêvé, représenté, idéalisé, caricaturé des musiciens, du Pianiste en détresse (1909) à l’ultime Timbalier (1940). Mais il aussi et surtout recherché les polyphonies secrètes qui structurent la musique et la peinture. Ce sont ces fines correspondances que, sans mise en scène ostentatoire, suivant une sage chronologie, l’exposition rend sensibles. Pas de fléchage pédagogique ni de balises stylistiques, mais une immersion visuelle et sonore dans le monde du Bauhaus, dans le Paris de Robert Delaunay et Tristan Tzara, dans cette modernité dont Klee a été un des acteurs, lui qui, en musique, fréquentait Stravinsky et Bartok tout en ne jurant que par Bach et Mozart, détestait le XIXème siècle tout en idolâtrant Wagner, et s’extasiait sur Pelléas et Mélisande. Dans l’espace pédagogique du Musée des instruments : Klee en mains, - avec ardoises magiques, memories sonores et visuels, puzzles et projections -, où l’on se met à soupçonner Paul Klee de parler plus naturellement aux enfants qu’aux parents.

François Lafon

Paul Klee (1879 – 1940), Polyphonies, Musée de la Musique, du 18 octobre au 15 janvier 2012. Catalogue (superbe) Actes Sud/Cité de la Musique, 45€. Cycle de concerts à la Cité de la musique du 19 au 27 octobre.

mercredi 12 octobre 2011 à 09h32

Dès l’avant-propos de Le Lied, poètes et paysages, André Tubeuf annonce la couleur : « Pour se tisser son univers, d’un bout du siècle à l’autre, le lied saura se passer des matériaux du monde. Qu’est-ce qui lui importe dans la nuit ? La lune, comme aux poètes ? Non, le silence ». Un peu plus loin : « L’eau, elle, est élément. Il n’y a pas moyen qu’elle se tienne tranquille, still, soit qu’elle aille (mouvement), soit qu’elle appelle (voix). Si elle se tait, gare ! C’est qu’un trou d’eau a repris un vivant. » Dans le chapitre Voyage d’hiver : « Notre oreille ? Ce témoin, ce double, ce frère, depuis quand nous conduisait-il sans même marcher, lui que rien de concerté ne semble mener. » Enfin, à propos de Mahler : « Comment le lied a-t-il pu persévérer dans son immobilisme magique et fécond, quand tout dans l’Histoire tournait le dos à ce qui lui permet d’exister : une tournure de la sensibilité ; une pratique de la mi-voix, une confiance dans la confidence ; une oreille pour écouter les cœurs, une voix du cœur pour parler ; enfin et surtout ces bons sentiments, chassés de la littérature, mais de tout art aussi, et peut-être bien de la vie ? » Lors de sa parution, en 1993 chez François Bourin, le livre était intitulé Le Lied allemand. Dix-huit ans après, pour cette réédition revue par l’auteur, ce dernier et/ou l’éditeur n’ont plus jugé utile de préciser que le lied était allemand. Tubeuf, bien connu des lecteurs mélomanes, n’y est pas moins ésotérique qu’ailleurs, mais plus qu’ailleurs se dégagent de ses périodes qui s’écoutent chanter des associations de mots et d’idées qui vont au cœur du sujet. Il n’y a peut-être pas de plus droit chemin pour y arriver.

François Lafon

André Tubeuf : Le Lied, poètes set paysages. Actes Sud, 512 p., 29€

Mais qu’avez-vous, chers fidèles de musikzen.fr, à vous passionner soudain pour les surnoms donnés aux œuvres célèbres, et en particulier à celui de la 7ème Symphonie de Beethoven ? Les pièces à titre, c’est avéré, marchent mieux que les autres. La 14ème Sonate pour piano en ut dièse mineur op. 27 n° 2 de Beethoven ne serait peut-être pas aussi célèbre si son Adagio sostenuto n’évoquait un clair de lune, et l’ultime Symphonie de Mozart paraîtrait probablement moins grandiose si elle n’était surnommée « Jupiter ». La plupart de ces titres sont d’ailleurs apocryphes : c’est le poète Ludwig Rallstab qui a trouvé « Clair de lune » et l’impresario Johann Peter Salomon, probablement influencé par la tonalité d’ut majeur du chef-d’oeuvre, qui a pensé à « Jupiter ». Il y a des titres moins évidents : pourquoi la Sonate « Waldstein » de Beethoven (du nom de son dédicataire) s’appelle-t-elle aussi « L’Aurore », pourquoi la 1ère Symphonie de Tchaikovski, pourtant composée pendant l’été 1866, est-elle sous-titrée « Rêves d’hiver » ? On comprend mieux l’appellation « Chant de la nuit » pour la 7ème Symphonie de Mahler dont les deux Nachtmusik sont les moments les plus étonnants, ou encore l’appellation de « Brandebourgeois » conférée par le musicographe Julius August Philipp Spitta aux six Concertos dédiés par Bach au margrave Christian Ludwig de Brandebourg. Le sous-titre de la 7ème Symphonie de Beethoven n’est pas dû, lui, à un commentateur oublié, mais à Richard Wagner en personne. Sensible aux rythmes très marqués dont l’œuvre est saturée, il l’a surnommée « Apothéose de la danse », ce qui, pour nos oreilles modernes, ne signifie plus grand-chose.

François Lafon

Photo : La Danse, de Carpeaux, sur la façade de l'Opéra Garnier à Paris

dimanche 2 octobre 2011 à 11h28

Il y a une vingtaine d’années, Franco Zeffirelli avait déclaré qu’il monterait volontiers La Tétralogie à condition que les gardiens du temple wagnérien le laissent en faire un digest de quatre heures. Réaction desdits wagnériens : « Que Monsieur Zeffirelli s’en tienne à La Bohème et Aïda ». A la même époque, en Angleterre, le compositeur Jonathan Dove et le metteur en scène Graham Vick attiraient à l’opéra un nouveau public en condensant des chefs-d’œuvre du répertoire, parmi lesquels … La Tétralogie. Quatre soirées en un week-end, neuf heures de musique (et non plus quatorze, mais tout de même pas quatre), dix huit instrumentistes, quinze chanteurs. C’est ce Ring Saga, mis en scène par Antoine Gindt, qui parcourt en ce moment la France et ses environs : Porto, Strasbourg (dans le cadre du très chic festival Musica), Paris, St-Quentin-en-Yvelines, Nîmes, Caen, Luxembourg, Reims. Sans vedette, mis en scène a minima, le spectacle fait le plein partout. Les Français ne sont pourtant pas privés de Tétralogie grandeur nature : Aix-en-Provence, Strasbourg, Paris, pour ne citer que les plus récentes. Mais s’offrir un Ring complet n’est pas à la portée de toutes les bourses, ni de toutes les oreilles. Alors Wagner pour les riches, Wagner pour les nuls ? Un opéra à deux vitesses ? Prix des places pour le cycle intégral de Ring Saga : de 10 à 65 euros (Caen), de 80 à 120 euros (Strasbourg). Même en mini-lingots, l’Or du Rhin manque de stabilité.

François Lafon

ringsaga.com    Photo©CasaMusicaPorto

 

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