Au tout début du XXème siècle, on peut écouter l’Ouverture d’Egmont sur un phonographe avec un seul cylindre pour quatre minutes de musique. Quelques années plus tard, il faut huit ou neuf galettes pour écouter une symphonie de Beethoven en 78 tours sur un gramophone à pavillon. Pendant ce temps-là, les patrons de guinguette inventent des appareils à deux pavillons qui permettent de faire danser toute l’année dans une salle à l’abri des intempéries sans avoir besoin de payer un orchestre. Et les stars du caf’conc’, d’Yvette Guilbert à Maurice Chevalier, en passant par Mistinguett et Jean Gabin ne sont pas les derniers à en profiter. En plus d’un siècle, les inventeurs de tout poil ont ainsi rivalisé d‘ingéniosité pour enregistrer et reproduire la musique de la façon la plus pure et la plus populaire qui soit. Cette histoire du son enregistré, on peut la suivre au Phonomuseum, à Paris, où sont exposés 250 de ces appareils, tous en état de marche et tous plus beaux les uns que les autres, avec des détails et des explications que Jalal Aro, le maître du lieu distille avec passion. A une époque où l’on délaisse parfois le son lisse du mp3 pour le vinyle au son coloré par ses propres aspérités, une balade au Phonomuseum a quelque chose de vivifiant.
Gérard Pangon
Phonomuseum, 53 boulevard Rochechouart 75009 Paris phonomuseum.fr
Et sur Internet, la Phonobase où sont répertoriés des milliers d’enregistrements de 1888 à 1920, avec la possibilité d’en écouter des extraits numérisés.
Internet, télévision, direct, différé et même prime time : du 7 au 13 juillet, le mélomane en chambre a pu suivre les productions phares des festivals – ersatz solitaires mais aussi archives pour demain. Parmi les créations d’Aix-en-Provence, Cosi fan tutte (Mozart, mise en scène Christophe Honoré) est diffusé par Arte (le 8, 22h30), Pelléas et Mélisande (Debussy, mise en scène Katie Mitchell) et Kalila Wa Dimna (Moneim Adwan, mise en scène Olivier Letellier) par Arte Live, Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (Haendel, mise en scène Krzysztof Warlikowski) étant hébergé par Mezzo. Un choix de bon gestionnaire, compte non tenu du fait (prévisible ?) que le Pelléas est plus réussi que le Cosi, que Kalila Wa Dimna - conte arabe bilingue - a été la découverte du festival, l’oratorio de Haendel théâtralisé par Warlikowski étant, lui, réservé d’office aux happy few. A l’autre extrémité du panel lyrique, la très classique Madame Butterfly retransmise du théâtre antique Orange non par France 2 ou 3 mais par la 5 (et présentée par Claire Chazal parlant de la statue d’Auguste 1er – sic – ornant le mur bimillénaire) est quant à elle passée en prime time le 13 juillet, touchant 396 000 téléspectateurs. Un score que peut envier la Comédie Française, dont les surmédiatisés Damnés (Ivo van Hove d’après le film de Visconti) dans la cour d’honneur d’Avignon ont été relégués le 10 juillet sur France 2 après la finale de l’Euro. Des classements et hiérarchies d’ailleurs bien arbitraires, infirmés par l’utilisation grandissante du replay.
François Lafon
Photo : Cosi van tutte à AIx-en-Provence © DR
Un collectif de jeunes musiciens s’est lancé dans un projet ambitieux : offrir à la région Ile-de-France un orchestre professionnel de jeunes, démarche indispensable à l‘ère du Grand Paris. Ensemble à « géométrie variable », l’Orchestre des Jeunes d’Ile-de-France (OJIF) s’est ouvert trois horizons : celui de l’excellence, ses musiciens étant issus du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, du Pôle Supérieur de celui de Paris-Boulogne-Billancourt et de divers Conservatoires franciliens, celui de la transmission, grâce à l’encadrement de ces jeunes artistes par des professionnels en poste dans les grandes phalanges parisiennes, et celui de l’ouverture, par un rayonnement vers les banlieues et la grande ceinture. Pour le concert inaugural, le programme n’était pas « de tout repos ». Unfinished Journey (Voyage inachevé) pour violon et cordes du compositeur franco-libanais Bechara El-Khoury, hommage rendu en 2009 à Yehudi Menuhin pour le dixième anniversaire de sa disparition, puis Concerto pour violon de Mendelssohn, avec une soliste venue d’Estonie : Triin Ruubel, saisissante dans le finale. Restait la Symphonie n°1, dite à tort ou à raison Titan, de Mahler : on l’attendait au tournant. Le chef David Molard, associé depuis septembre 2014 de Paavo Järvi à l’Orchestre de Paris, la connaît de toute évidence bien. Sans entrer dans les détails : son enthousiasme, il a su le communiquer à l’orchestre, ce dernier s’est emparé avec exultation des débordements sonores de la partition, à la fin des deux mouvements extrêmes mais pas uniquement. Triomphe prévu et mérité, reste à entendre l’Orchestre des Jeunes d’Ile-de-France dans Schönberg ou dans Haydn.
Marc Vignal
Auditorium Marcel Landowski du Conservatoire à Rayonnement Régional (CRR) de Paris, 2 juillet Photo © DR