Polémique autour d’un jeu concours lancé sur le RER A et le Transilien J et L, intitulé « Choisissez l’ambiance musicale de votre gare. » Une ambiance classique, Mozart et Chopin étant censés participer plus efficacement à l’adoucissement des mœurs aux heures de pointe que Gilbert Montagné ou M. Pokora. Les gagnants auront droit à trois CD des morceaux sélectionnés et à un voyage RER en cabine conducteur. Mais si l’on va sur le blog officiel de la ligne J, on trouve (ou l’on trouvait, car il a été supprimé à la suite d’un article du site Rue89) un post intitulé « De la musique classique pour rétablir l’ordre, » expliquant que Mozart et Chopin n’ont pas leur pareil pour faire fuir les lascars, zonards et junkies dont la présence pollue les gares et précisant que le procédé avait déjà fait ses preuves dans d’autres pays comme le Danemark et l’Allemagne. En 2008, le Mosquito (moustique), un « boitier anti-jeunes » émettant des ondes particulièrement désagréables aux oreilles des moins de vingt-cinq ans avait été interdit (voir ici). D'ici que Mozat et Chopin subissent le même sort...
François Lafon
Le Loup, Le Double, Métaboles, Timbre, espace, mouvement ou la Nuit étoilée, Mystère de l’instant, Tout un monde lointain, L’Arbre des songes, Ainsi la nuit, Eloignez-vous, Les Citations, D’Ombre et de silence, Le Jeu des contraires, Sur le même accord, Au gré des ondes, Blackbird, Chanson au bord de la mer, La Geôle, The Shadows of Time, Correspondances, Le Temps l’horloge. Jean Anouilh, Georges Neveu, Charles Baudelaire, Rainer Maria Rilke, Robert Desnos, Jean Tardieu, Prithwindra Mukherjee, Alexandre Soljenitsyne, Paul Gilson, Paul Fort, Jean Cassou. Les titres des œuvres d’Henri Dutilleux et les poètes qui l’ont inspiré parlent d’eux-mêmes. En 1942, à vingt-six ans, il avait composé deux pièces pour basson et piano intitulées Sarabande et cortège. Sarabande est aussi le titre du dernier film d’Ingmar Bergman (2003). « Une ancienne danse française à trois temps, grave et lente » (Petit Robert), pour accompagner la sortie des artistes. La sienne a eu lieu le 22 mai. Il avait 97 ans.
François Lafon
Lancement par Universal du Blu-ray Pure Audio : trente-six références, dont dix classiques, de Karajan à Hélène Grimaud. Selon le dossier de presse : un support n’obligeant plus à compresser le son, une qualité d’écoute inégalée, la chaleur du disque vinyle en plus. Une initiative hardie, à l’heure du tout dématérialisé, de l’arrivée de la fibre et de la 4 G sur téléphone mobile, de la vogue de la VOD, de l’échange de plus en plus facile sur Internet. Une pierre aussi dans le jardin de ceux, nombreux, qui écoutent en voiture ou dans la rue sur MP3 des enregistrements au son ultra-compressé, et ne prennent plus le temps de s’asseoir face aux enceintes de papa pour savourer les joies de la hi-fi. Un pari commercial risqué si l’on pense à l’échec du SACD dans les années 2000, en dépit, déjà, d’une évidente plus-value sonore. Mais le SACD exigeait l’achat d’un lecteur onéreux, alors que le Blu-ray peut se lire aussi sur d’autres appareils (box ADSL, consoles de jeux, ordinateurs). Précision pratique : les albums coûtent 19,99 € pièce et sont impossibles à copier, mais sont accompagnés d’une offre gratuite de téléchargement, ce qui permet de les écouter sur MP3 avec la qualité sonore d’un téléchargement classique … à 9,99 €. Enthousiasme mitigé sur les forums : le Blu-ray audio n’est pas meilleur que le SACD, et il est aussi cher à l’unité. En septembre 2008, le constructeur coréen Samsung annonçait pour 2013 la mort du Blu-ray, lancé un an auparavant. Aujourd’hui Sony (inventeur du procédé) promet le « Violet-ray », permettant de stocker vingt fois plus d’informations. Mais que ne tenteraient pas les éditeurs pour retrouver l’âge d’or du disque roi ?
François Lafon - Olivier Debien
Interview dans le Berliner Morgenpost du chef Christian Thielemann, successeur possible de Simon Rattle à la tête du Philharmonique, aujourd’hui parrain du Paul Gerhardt-Diakonie-Hospiz, un nouveau centre de soins palliatifs situé dans le quartier de Schmargendorf. « Je peux ainsi apporter ma contribution à un sujet jusqu’ici tabou. La musique est émotion, que ce soit le bonheur ou la tristesse. Je fais chaque jour face à ces sentiments, dans le cadre d’une œuvre et de son interprétation, mais la mort est quelque chose de très personnel, de fatal. La musique peut aider à faire le deuil ». Plus loin : « En tant que musicien, je trouve qu’il est important de produire un son harmonieux. Il est donc important de créer une atmosphère de paix au Paul Gerhardt-Diakonie-Hospiz. Ce chemin de l’harmonie exige beaucoup de force et d’empathie ». « Mort et transfiguration (Strauss), les Kindertotenlieder (Mahler), Komme, du Susser Todestunde ; Christ lag ins Todesbanden (Bach), le Requiem de Mozart, celui de Brahms, Musikalische Exequien (Schütz) : quel est ce soi-disant tabou relatif à la mort ? » demande un internaute. « Ces chefs-d’œuvre parlent de la mort, répond un autre. Mais lesquels traitent des soins de fin de vie? » Oui, en effet, lesquels ?
François Lafon
Scandale à l’Opéra de Düsseldorf, où le Tannhäuser de Wagner est présenté par le metteur en scène Burkhard C. Kosminski sous les traits d’un officier SS. Campagne de presse, crises cardiaques dans le public (avec certificats médicaux), annulation du spectacle, les dernières représentations étant données en version de concert. Dans le magazine politico-culturel Cicero, le journaliste et essayiste Alexander Kissler va jusqu’à demander l’interdiction des références au nazisme dans les spectacles ne traitant pas directement du troisième Reich. « Un tournant dans le régime du Regietheater », affirme Norman Lebrecht sur son blog Slipped Disc. Les internautes résument la question : « Où cela s’arrêtera-t-il ? Plus de Mao, plus de Staline, plus de Saddam-Hussein ? Où serions-nous sans Méphistophélès ? », « Tannhäuser chez les nazis est une idée stupide. Springtime for Hitler était génial. Si l’état commence à prendre des décisions artistiques, malheur à la prochaine génération ». Dans le film de Mel Brooks Les Producteurs (1968), un impresario véreux monte une joyeuse comédie musicale intitulée Printemps pour Hitler dans le but de faire faillite et d’en tirer les dividendes. C’est un triomphe… qui le ruine pour de bon. Comme disait Pierre Desproges : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ».
François Lafon
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Chez Buchet-Chastel : Teresa Berganza, Un Monde habité par le chant, cent-cinquante pages de propos recueillis par Olivier Bellamy à l’occasion des quatre-vingt ans de la cantatrice. « Les psychiatres m’ont toujours fait peur, peut-on lire page 135. Pas par crainte qu’ils me trouvent folle – je sais que je le suis – mais à cause de cette manie qu’ils ont de mettre les gens dans des cases ». Tout Berganza est là : rangée très tôt dans la case « artiste BCBG », elle a mis du temps à faire admettre - et à admettre elle-même - que sous la plage, il y avait les pavés. Jusqu’à ce qu’elle chante Carmen en fait (1977), qui a été pour elle le rôle de la grande libération. Et encore le malentendu a-t-il été attisé par le fait qu’entre la fière féministe du disque (Deutsche Grammophon) et la gitane jusqu’au-boutiste qu’elle campait sur scène, il y avait là encore un monde. Comme l’interviewer a supprimé les questions, les propos de Teresa Berganza, bien que classés en chapitres, sont un peu répétitifs et parfois contradictoires : elle nous mène où elle veut, avec un charme, un don de persuasion et une propension à l’autocongratulation qui en disent long sur elle, mais qui auraient gagné à être recadrés. Ses fans se délecteront, les autres auront un peu de mal à reconstituer le puzzle. La discographie et la chronologie qui complètent l’ouvrage n’en sont que plus utiles.
François Lafon
Un Monde habité par le chant. Teresa Berganza avec Olivier Bellamy. Buchet-Chastel, 210 p., 20 €