Mardi 19 mars 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
dimanche 12 juillet 2015 à 01h36

Début de week-end lyrique à la télévision : Alcina depuis le festival d’Aix sur Arte, Carmen aux Chorégies d’Orange sur France 3. Le grand écart : mis en scène par Kathie Mitchell, l’opéra féérique de Handel devient un huis-clos kubrickien, une réflexion sur la réalité et l’apparence, l’âge et la séduction, le désir féminin dans un univers masculin. Parfum d’interdit, plateau de luxe dominé par le couple Patricia Petibon - Philippe Jaroussky, succès public et critique. Moins d’enthousiasme à Orange, où l’on dirait que le metteur en scène Louis Désiré et le chef Mikko Franck ont voulu transformer le bouillant chef-d’œuvre de Bizet en oratorio, toute espagnolade soigneusement mise à part. Distribution correcte (hormis les chœurs, insuffisants), écrasée par Jonas Kaufmann, Don José magnétique, apprivoisant l’immense espace comme le faisait jadis Jon Vickers. Fausses perspectives dans un cas comme dans l’autre, pourtant. Difficile de saisir à l’écran la dialectique salon des mirages – envers (enfer ?) du décor déployée sur le plateau en cinémascope du Grand Théâtre de Provence, difficile d’imaginer que la voix de Carmen-Kate Aldrich, capiteuse au micro, soit à peine audible (Mistral n'aidant pas) pour le public d’Orange. En prélude à cette seconde soirée : un portrait tout opéra (rien sur le showbiz) de Roberto Alagna, pensionnaire attitré du Théâtre antique (il y chantera Le Trouvère de Verdi en août) … et rival de Kaufmann en Don José. Un impair de programmation, mais un sujet de conversation pour les ténorophiles. Et tout cela au moment où l’on apprend la disparition de Jon Vickers…

François Lafon

Alcina, Festival d’Aix-en-Provence, jusqu’au 20 juillet. En replay sur concert.arte.tv - Carmen, Chorégies d’Orange, 8, 11, 14 juillet. En replay sur Culturebox Photo : Alcina © DR

mardi 7 juillet 2015 à 11h57

Disparition le 2 juillet de Dominique Jameux, à soixante-seize ans. Trente-six ans durant, sa voix posée, son ton didactique ont donné le « la » - admiré et décrié - de France Musique. Etrange coïncidence, à l’heure où le pourquoi et le comment de la chaîne sont plus que jamais en question. Limogé en 2008, il avait repris la plume : un essai (Radio) aux arrière-plans de règlement de compte, une réflexion sur l’opéra (Eros et le pouvoir), une évocation de Chopin (Chopin ou la fureur de soi), où l’on retrouve sa façon parlée d’écrire sur des sujets compliqués, lointains échos de ses lapidaires Richard Strauss (Seuil – 1971) et Alban Berg (idem – 1980) ou de son Ecole de Vienne (Fayard – 2002). Le temps n’était plus aux brillantes dissertations de la revue Musique en jeu (1970-1978), où, boulézien militant et entouré de la fine fleur de l’avant-garde de l’époque, il adaptait à la France un discours sur la musique auquel elle n’était pas habituée. Il n’était plus non plus aux querelles érudites, telle cette altercation publique - dans le Saint des saints de l’Ircam - avec Boulez et Patrice Chéreau à propos du bien-fondé de la transposition par ce dernier dans les années 1930 de l’intrigue Belle-époque de l’opéra Lulu. Dominique Jameux appartenait à un monde où l’on croyait encore que l’Art était au-dessus des contingences. Il aura peut-être échappé au pire.

François Lafon

 

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