Mardi 19 mars 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
mardi 24 mars 2015 à 17h22

Au Petit Palais, exposition De Carmen à Mélisande, drames à l’Opéra Comique, à l’occasion du 300ème anniversaire de l’institution. Deux-cents manuscrits, programmes, photographies, tableaux, dessins, films, enregistrements, maquettes et costumes pour raconter vingt-sept ans de création (1875 – 1902) à travers sept ouvrages emblématiques : Carmen, Lakmé, Les Contes d’Hoffmann, Louise, Manon, Le Rêve, Pelléas et Mélisande. Une exposition documentée et efficacement pédagogique mais modeste d’apparence, aux tonalités un peu fanées en dépit de l’habillage symbolique de chaque section (rouge sang pour Carmen, bleu Watteau pour Manon, sable pour Lakmé…), le tout évoquant assez bien ce théâtre petit-bourgeois confiné dans l’ombre du grand opéra réservé aux riches. Un théâtre pas si conformiste pourtant, où soufflait l’air du temps au risque de choquer les habitués : scandale pour Carmen (sexe, meurtre et désertion), Louise (« roman musical » à tendance libertaire), Pelléas (anti-opéra nappé de non-musique), Le Rêve (Alfred Bruneau + Emile Zola, double peine naturaliste). Un choix habilement orienté, retenant des œuvres qui ont survécu (des drames d’ailleurs, comme l’indique le titre de l’exposition), laissant de côté l’ordinaire de la maison, dont le directeur sortant Jérôme Deschamps a donné ces dernières années une image plus conforme en programmant Carmen et Pelléas, mais aussi l’aimable Marouf, savetier du Caire d’Henri Rabaud ou – à l’affiche en ce moment – l’inoffensif Pré aux clercs de Louis-Ferdinand Hérold.

François Lafon

Petit Palais, Paris, jusqu’au 28 juin - En parallèle : L'Opéra Comique et ses trésors, Centre national du costume de scène, Moulins, jusqu'au 25 mai. Photio © DR

mercredi 18 mars 2015 à 10h29

« Ici habita Henri Dutilleux, compositeur de musique contemporaine, Gand Prix de Rome ». Ainsi était libellée la plaque censurée par la marie du IVème arrondissement de Paris où résidait le compositeur, sous prétexte qu'il a collaboré pendant la guerre à un film de propagande vichyste. Réaction sur Twitter de Christophe Girard, maire du IVème et ex-Monsieur Culture à la mairie de Paris : « Je ne fais que suivre les recommandations du Comité d'histoire de la Ville. Louis-Ferdinand Céline est un grand écrivain mais... ». Levée de bouclier (justifiée) du monde culturel, rappel de l’absence de la ministre Aurélie Filippetti aux obsèques du musicien en 2013 (elle avait préféré honorer de sa présence celles, plus médiatisées, de Georges Moustaki), pétition en ligne. Double palme de l’inculture : comparer Dutilleux à Céline et le qualifier de « compositeur de musique contemporaine » (c'est à dire dissuasive?). Bertrand Delanoë, ex-maire de Paris, aurait-il supporté qu’on traite son idole Dalida de « chanteuse disco »?

François Lafon

mardi 17 mars 2015 à 09h45

Au musée de la Philharmonie 2, exposition Pierre Boulez (90ème anniversaire et ouverture de la Philharmonie 1, dont il est un des principaux instigateurs). Une rétrospective sur deux étages, aussi exhaustive que possible - rien à voir avec Le Louvre invite Pierre Boulez, en 2008, jeu de miroirs entre « l’inachevé et le fini ». Le pendant austère de l’exposition David Bowie, qui attire les foules à la Philharmonie 1 ? Pas si simple ! Dans sa quête d’une modernité dont notre époque se targue d’être revenue, Boulez a côtoyé musiciens, poètes et plasticiens parmi les plus grands, fréquenté l’Institution sans mettre sa liberté en péril, tenté des expériences avec ou sans lendemains, influencé les politiques dans l’ombre ou dans la lumière, usé de violence et joué de son charme. L’exposition (commissaire : Sarah Barbedette ; metteur en espace : Ludovic Lagarde) raconte cette recherche d’un art en résonance avec les autres arts, assume et se nourrit des richesses et contradictions qui en découlent, sans chercher à tresser systématiquement des lauriers au grand homme, et c’est sans doute-là la clé de sa réussite. Partitions, articles, photos documents filmés et sonores (n’oubliez pas l’audioguide : la voix de Boulez est un monde en soi et sa rhétorique est imparable), mais aussi toiles (Cézanne, Klee, de Staël, Mondrian, Masson, magnifique triptyque de Bacon), manuscrits (dont Boulez lui-même, à l’écriture précise et minuscule, fascinante page « à paperolles » de Proust) jalonnent un parcours articulé autour de cinq œuvres clés (2ème Sonate pour piano, Le Marteau sans maître, Pli selon Pli, Rituel, sur Incises), de la classe de Messiaen au Conservatoire à la Compagnie Renaud-Barrault, du Domaine Musical à l’exil anglo-américain, de Bayreuth à l’Ircam, de la Cité de la Musique à … la Philharmonie. Au beau milieu : un mur de c…ritiques et articles polémiques signés, entre autres, Clarendon (son vieil ennemi du Figaro), Marcel Landowski (idem au Ministère), et même Carmen Tessier, la Commère dont les potins faisaient trembler Paris. En fin de parcours : un espace Répons, le grand-œuvre boulézien, avec diffusion spatialisée et exposition de l’historique machine 4X (analyse et synthèse en temps réel de signaux sonores). Autour de l’exposition : concerts, tables rondes et installations. Somptueux catalogue chez Actes-Sud. La modernité fait toujours rêver.

François Lafon

Espace d’exposition du Musée de la musique, Philharmonie 2, Paris, du 17 mars au 28 juin

samedi 14 mars 2015 à 11h53

Mozart en Mercedes …

… ou La Marseillaise en Toyota ?

A noter que l'Orcheste Symphonique National, Tchèque n'en est pas à son coup d'essai. Le voici, déjà sous la baguette du vétéran Libor Pesek, oeuvrant  pour la banque en ligne Hello Bank. A voir ici

samedi 7 mars 2015 à 14h27

Escroquerie au Japon, objet d’un récit-fleuve dans le magazine américain The New Republic : pendant des années Mamoru Samuragochi, fils d’un survivant d’Hiroshima, devenu sourd et composant dans la douleur, se donne comme le Beethoven de l’ère numérique : « Ma perte d’audition est un don de Dieu », confie-t-il au magazine américain Times. Or ce génie solitaire entend mieux qu’il ne le prétend, mais surtout il a un nègre, Takashi Niigaki, lequel, las de stagner dans une ombre bien rémunérée mais frustrante, dévoile le pot aux roses. Gêne de la NHK Nippon Columbia, éditrice des tubes du duo, principalement la Symphonie « Hiroshima » («Prière», «Ascension», «Souffrance» et «Chaos », de Bruckner à Carl Orff, et même le thème revu façon Mahler – des critiques s’y sont laissé prendre - de Space Battleship Yamato, une série d'animation de 1974). «J’ai compris que les gens avaient besoin d'une histoire. Il y a eu cette idée Beethoven, une figure plus grande que la vie. Je pense que le monde attendait cela de moi », explique Samuragochi officiellement revenu de ses extases compositionnelles savamment médiatisées. Une arnaque furieusement postmoderne et en fin de compte payante : « Samuragochi a joué à merveille le rôle d'un génie sourd », annonce l’Orchestre National d’Estonie, qui terminera sa saison 2014-2015 avec la Symphonie « Hiroshima ». Sobre intitulé du programme : « Richard Strauss. Sergeï Prokofiev. Mamoru Samuragochi / Takashi Niigaki ». Devise de Samuragochi : « Il n'y a pas de règle que vous ne pouvez briser pour obtenir un meilleur résultat ». Une dérive bien-sûr impensable au pays de Boulez et Dutilleux.

François Lafon

Photo : Samuragochi lors de ses aveux © DR

 

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