Mardi 8 octobre 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Workshop de mise en scène à l’Amphithéâtre de l’Opéra-Bastille : Après la fatigue du jour, par la promotion 2022 de l’Académie-maison. Victoria Sitja, la metteure en scène en question venue du théâtre (Luc Bondy, Jean Bellorini, Deborah Warner), plante le décor : « Pour mes débuts à l’Opéra, j’ai voulu parler d’une fin ». Une fin mutli-évoquée par le lied allemand, avec les Quatre derniers Lieder de Richard Strauss comme trame narrative, incarnée par « un corps qui raconte le labeur sur scène, la fatigue d’après le jour », celui de Pina Bausch. En plateau, dix chanteurs, trois pianistes, un quatuor à cordes évoluant sur un sol de sable blanc, « terre fertile » évoquant Le Sacre du printemps selon Pina, entré au répertoire du Ballet de l’Opéra. Un « spectacle sur mesure » pour les académiciens, « une ode à leur dévouement sans faille pour leur art ». Un exercice de très haute école surtout, ajoutant aux pièges du lied, genre sans pitié pour la voix comme l’est le quatuor pour les cordes, l’univers inimitable d’une visionnaire qui a marqué son temps. La réussite n’en est que plus remarquable. Aucune faiblesse vocale chez les jeunes chanteurs qu’il faudrait tous citer, aucune approximation dans leur performance physique (l’âme, certes, plutôt que la danse, aurait dit Paul Valéry) qui leur est demandée. Belle intervention aussi des résidents instrumentistes dans le Lento assai de l’ultime Quatuor de Beethoven ( " Muß es sein? Es muß sein! » : Le Faut-il? Il le faut"), préludant à un Bei Schlafengehen (En allant dormir, 3ème des Quatre derniers Lieder), où Hermann Hesse parle opportunément de "Vivre mille fois plus intensément“. 
François Lafon 

Opéra National de Paris-Bastille – Amphithéâtre – 30 juin (Photo © Studio j'adore ce que vous faites ! / OnP)
 
A l’Athénée Louis-Jouvet : Rigoletto ou Le Roi s’amuse par le collectif belge Deschonecompanie, dirigé par le metteur Tom Goossens et spécialisé dans la relecture tous publics des classiques du répertoire lyrique. Après une Dedapontetrilogie mozartienne… qu’on ne verra jamais à Salzbourg, ils mettent en parallèle le drame de Victor Hugo et l’opéra que Verdi en a tiré… tels qu’on ne les verra jamais à la Comédie-Française ni à la Scala de Milan. Trois comédiens-chanteurs (dont Goossens lui-même) et deux chanteur-comédiens néerlandophones s’exprimant en français, un pianiste-transcripteur (Wouter Deltour, chantant et jouant lui aussi) devant un piano droit posé sur une tournette déchaînent sans se prendre au sérieux les orages verdo-hugoliens, mettant en valeur les glissements dramatico-revendicateurs communs aux deux géants et persillant le tout de textes (chantés et parlés) d’un ton crûment contemporain. Le résultat se suit avec d’autant plus de plaisir que l’on connait mieux son Verdi et son Hugo, ce qui ne répond peut-être pas tout à fait à la vocation pédagogique de l’affaire. On sort en tout cas avec l’envie de (re)découvrir Le Roi s’amuse, en butte en son temps à la censure (un roi libertin ? François 1er qui plus est !) et occulté par l’opéra lui aussi victime des censeurs (le roi y devient un duc) mais qui fait partie des titre les plus joués depuis plus d’un siècle et demi. 
François Lafon

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, jusqu’au 12 juin (Photo © Olympe Tits)

 

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