En haut de la gamme, le pianiste Leif Ove Andsnes joue un peu partout dans le monde des « Tableaux (…d'une exposition de Moussorgski) ré-encadrés » par le plasticien et vidéaste sud-africain Robin Rode. En bas, les Solistes français moulinent les Quatre Saisons de Vivaldi devant de larges publics, sensibles avant tout à leur aspect rock'n roll et à leur gestuelle virevoltante. La question est la même : comment échapper à la fatalité qui veut qu'au concert, il y a beaucoup à écouter, mais pas grand-chose à voir ? Il y a quelques années, au Théâtre Mogador, l'Orchestre de Paris avait testé un système d'éclairages colorés illustrant les diverses atmosphères des chefs-d'œuvre du répertoire : fiasco total. Même pour les enfants de la civilisation de l'image, la musique s'écoute les yeux fermés, ou tout au moins les yeux ailleurs, et pas seulement parce que les artistes en plein effort (ou pire : en pleine inspiration) ne sont pas toujours beaux à voir.
Pictures reframed, par Leif Ove Andsnes (piano) et Robin Rode (ilustration visuelle) - Théâtre des Champs-Elysées, Paris, le 11 décembre
Les Solistes français - Grand Rex, Paris, le 14 février
Vous rêvez d'être joué au Covent Garden de Londres ? Alors inscrivez-vous au concours ouvert sur www.numu.org.uk/fanfare, et composez le thème qui remplacera la sonnerie de cour de récréation ordonnant aux spectateurs de quitter le bar pour rejoindre leur siège. Vous prendrez place dans une lignée où brillent déjà Wagner (les appels de cuivres enjoignant les pèlerins de regagner leurs stalles dans le temple de Bayreuth), Maurice Jarre (les fanfares appelant le peuple à venir découvrir les beautés de la culture dans la Cour d'honneur d'Avignon) et un certain nombre de compositeurs commis post mortem à cette honorable tâche (l' « Idée fixe » de la Symphonie Fantastique de Berlioz préludant aux concerts de l'Orchestre de Paris). Mais attention, pour concourir, vous devez avoir entre onze et quatorze ans. Recalés d'avance, Wagner, Jarre et les autres !
Elisabeth Söderström est morte. Qui était-ce ? La diva des causes perdues. Mais quelles causes ! Le Néron hystérique de la première intégrale (quatre heures de musique) du Couronnement de Poppée de Monteverdi dirigé par Harnoncourt (Teldec), c'était elle. La Jenufa, la Katia Kabanova de la série d'enregistrements qui a donné à Janacek la place qu'il aurait toujours dû avoir, c'était elle (Decca). La Mélisande de l'opéra de Debussy désembrumé par Pierre Boulez (Sony), c'était encore elle. Des moments d'histoire, mais pour happy few. Sur scène, elle était capable d'alterner les trois rôles féminins du Chevalier à la rose de Strauss dans la même saison, ou de chanter Musette dans La Bohème un mois avant d'accoucher. A l'époque où Rolf Liebermann dirigeait l'Opéra de Paris, elle était venue un soir remplacer une collègue en Comtesse des Noces de Figaro. Cela s'était su : cinq minutes d'acclamations après son air d'entrée. La dernière fois qu'on l'a vue en France, c'était à la salle Favart, où elle chantait La Voix humaine de Poulenc et Cocteau avec un orchestre modeste et dans une mise en scène réduite au minimum. Une cause perdue encore, mais quel souvenir ! D'autres ont eu une plus jolie voix, un physique plus spectaculaire, une vie privée plus glamour. Elle, elle était incomparable, au sens premier du terme. Quand elle s'est retirée, le marketing commençait à contaminer le marché de l'opéra. Ouf ! Si elle était venue plus tard, ils auraient été capables de la tuer.
La loi Hadopi? Il va encore falloir la revoir. Une nouvelle étude publiée en Angleterre affirme que les internautes qui se livrent à des téléchargements illégaux sont aussi ceux qui dépensent le plus d'argent pour étancher leur soif de musique : 77 £ (85,59 euros) en moyenne par an contre 33 £ (36,68 euros) pour ceux qui affirment n'avoir jamais touché au téléchargement interdit. « Les politiciens comme les éditeurs vont devoir admettre que la nature de la consommation musicale a changé », commente l'institut de sondage, ajoutant que « pour une génération qui n'a pas été habitué à payer, le partage de fichiers est un outil de découverte ». Il y a même des stars qui assurent se porter très bien du téléchargement illégal, au motif que cela les rapproche de leur public. Des stars pour d'jeunes, bien sûr. Qu'en pensent nos divas, pianistes et maestros, qui comptent plutôt leurs fans parmi les parents, voire les grands-parents des d'jeunes en question ?
« Pendant que nous montions La Tempête, on m'a proposé à trois reprises de mettre en scène La Flûte enchantée. A chaque fois, j ai refusé. » raconte Peter Brook en 1991. Tant qu'à se pencher sur une féérie à double fond, autant donner la priorité à celle de Shakespeare, quand on est le-shakespearien-du-demi-siècle. Dix-neuf ans plus tard, pour ses fêter son départ des Bouffes du Nord (il y est depuis 1974), Brook ne dit plus non à Mozart. Ce sera (mais à quelles dates ?) une Flûte façon Tragédie de Carmen (1981), ou Impressions de Pelléas (1992), une quintessence d'opéra, une version de chambre à l'échelle cosmique. Il y a longtemps qu'à l'opéra, Brook voyage léger, même lorsqu'il monte Don Giovanni à Aix (1998). Il ne s'est jamais remis de l'aventure de Salomé à Londres … en 1949 : spectacle culte (avec Salvador Dali aux pinceaux), mais souvenir contrasté.
Comme avec Carmen, il va avoir une sacrée couche de convention à gratter. Cette fois, l'ennemi n'est plus le faux réalisme, mais le faux fantastique. S'il y arrive, cela nous consolera des Flûtes chargées, des Flûtes dépouillées, des Flûtes enfantines, des Flûtes exotiques, des Flûtes ésotériques, des Flûtes emplumées (on vient encore d'en voir une - deux même - au Châtelet). Mozart l'a bien cherché, en déposant la plus belle musique du monde sur un livret qui préfigure Disneyland autant que le Da Vinci Code. Mais que d'horreurs on aura commis en son nom !
Samedi 7 novembre. En direct sur France 2, Natalie Dessay et Philippe Torreton participent au TV show de Laurent Ruquier On n'est pas couchés. Ils ont été interviewés en début d'émission, mais depuis une bonne heure, ils font tapisserie, sporadiquement invités à réagir aux prises de bec entre Benoit Hamon (porte parole du PS) d'abord, Kool Shen (membre de NTM) ensuite, avec les deux Eric (Zemmour et Naulleau), polémistes permanents de l'émission. A une heure, nouveau coup de projeteur sur la chanteuse et le comédien, expédiés en une minute chacun. « Votre actualité : un DVD Donizetti et un CD intitulé Mad Scenes », dit Ruquier à Dessay. « Qui c'est Donizetti ? On ne le connait pas bien, celui-là. » Réponse sèche mais diplomatique de la diva, qui sait qu'en matière de promo, la fin justifie les moyens. Eh oui, même à une heure du matin, Ruquier, qui avait pourtant l'air de connaître son sujet en interviewant Dessay, se croit obligé de faire l'ignorant. Audimat oblige ? Ce serait en revanche faire injure au public que d'insinuer qu'il ne connaît pas par cœur la discographie de Kool Shen et de son compère Joe Starr.