Mercredi 4 décembre 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
mercredi 31 janvier 2018 à 10h01
À Deauville, pas question de se reposer sur ses lauriers. Pourtant, il y aurait de quoi : parrainé à ses débuts (1997) par rien de moins que Maria Joao Pires, Emmanuel Krivine et Augustin Dumay – « vieux » complices du directeur artistique Yves Petit de Voize –, cette académie célébrant quatre siècles de musique de chambre partait à la découverte de jeunes talents. Deux décennies plus tard, l’idée a fleuri un peu partout en France, mais c’est encore et toujours à Deauville qu’elle s’y exprime avec le plus de liberté. Au fil des saisons, sont nés et s’y sont confirmés de nombreux talents, de Jérémie Rhorer et Julien Chauvin et leur orchestre Le Cercle de l’Harmonie, aux pianistes Guillaume Bellom et Ismaïl Margain, des Quatuors Arod et Hermès à l’altiste Adrien La Marca et au claveciniste Justin Taylor… Chef-d’œuvre ou partition à découvrir, classique, romantique ou moderne : un équilibre subtil à retrouver cette année lors de cette 22ème édition, avec d’entrée de jeu (14 et 15 avril) deux superbes programmes, « russe » – Schnittke (Concerto grosso n° 1 pour 2 violons, clavecin, piano préparé et cordes) et Chostakovitch (Concerto n° 1 pour piano, trompette et cordes) – et « américain » – Ives (Concord-Sonata), Copland (Sept poèmes d’Emily Dickinson et El Salon Mexico), Barber (Dover Beach) et Adams (Hallelujah Junction). Entre quatuors, quintettes et sextuor de Schumann, Brahms, Bax, Schubert, Dvorak, Franck, Beethoven, Korngold, Mahler ou Fauré, il ne faut rater ni L’Histoire du soldat de Stravinsky, avec Didier Sandre en lecteur, le 28, ni la commande du festival à David Chalmin, né en 1980, de Sept particules d'obédience minimaliste insérées dans des concertos baroques de Vivaldi, Haendel et Telemann, sous la houlette de Justin Taylor et du compositeur, à la guitare et l’électro (21 avril). Un concert diffusé en direct sur Facebook, une première dans le cadre du Festival de Pâques, et qui connaîtra une suite, capté par B Records, pour sa désormais fameuse Collection Deauville Live.       
Franck Mallet

(Photo : Didier Sandre © DR)

vendredi 26 janvier 2018 à 23h38
Au Palais Garnier, concert avec orchestre de la promotion 2017-2018 de l’Académie de l’Opéra section voix (ex-Atelier Lyrique). Salle bondée, public bon-enfant multipliant les selfies, venu en amateur plutôt qu’en juge. Pour les onze dive et divi en herbe, tout de même un impressionnant grand oral sous le plafond de Chagall. Programme classique mais plaçant haut la barre : Mozart, Rossini, Massenet, Berlioz, Strauss (Richard), avec l’impeccable Orchestre de l’Opéra sous la baguette vive de Jean-François Verdier, sorti de ses rangs (clarinette solo), actuellement directeur de l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté. Au jeu des pronostics, on ne s’inquiète pas pour l’avenir lyrique de l’Irlandaise Sarah Shine, voix légère et sourire enjôleur, à son affaire en Sophie (de Werther) comme en Sophie (du Chevalier à la rose), ni pour celui du trio ukraino-polonais (dans Cosi fan tutte) Mateusz Hoedt – Maciaj Kwasnilowski – Danylo Matviienko, ce dernier exemplaire aussi en Chorèbe des Troyens. Belles personnalités dans ce groupe où du reste personne n’est fade : Sonja Petrovic, voix et œil de tragédienne (mais diction française à perfectionner), Jean-François Marras, ténor français comme les scènes en ont besoin, Angélique Boudeville, soprano dijonnaise au timbre somptueux et au naturel dramatique (trop ?) affirmé.  Tous à l’aise en scène malgré un trac évident (ou grâce à lui), comme ils l’ont récemment montré dans la très théâtrale Ronde de Philippe Boesmans à l’Amphithéâtre Bastille (voir ici).
François Lafon
 
Opéra National de Paris – Palais Garnier, 26 janvier (Photo : Sarah Shine © DR)
 
mercredi 10 janvier 2018 à 10h35
Six-cents-sept candidats, quarante-sept demi-finalistes venus de France, de Belgique, du Canada et de Suisse pour le quatrième Concours Voix Nouvelles, dont la finale, le 10 février à l'Opéra Comique, sera présentée par Natalie Dessay, gagnante de la première édition en 1988 et marraine de l’opération. Initié et toujours animé par le Centre  Français de Promotion Lyrique (président : Raymond Duffaut, longtemps directeur de l’Opéra d’Avignon et des Chorégies d’Orange) et la Fondation France Télécom (aujourd’hui Orange), rejoints par la Caisse des Dépôts, l’ADAMI et France 3, le concours, en trois sessions étonnemment espacées (1988, 1998, 2002), a révélé plusieurs générations de voix francophones - Karine Deshayes, Stéphane Degout, Hélène Guilmette, Nicolas Testé, Anne-Catherine Gillet, la soprano météore Alexia Cousin -, tandis que le CFPL faisait tourner à travers le pays des productions du Voyage à Reims de Rossini, des vintages Caprices de Marianne de Henri Sauguet et d’une création : L’Ombre de Venceslao, de Martin Matalon d’après la pièce de Copi. Détail significatif : diffusées sur la page Facebook des Voix Nouvelles, les finales régionales et étrangères ont totalisé un million cent cinquante mille vues, dont 60% d’hommes et de femmes (presque à égalité, alors que le genre attire plutôt la gent féminine) âgés de moins de quarante-cinq ans, c’est-à-dire sensiblement plus jeunes que le public que l’on rencontre dans les salles d’opéra. France 3 a mis ses forces dans l’opération Facebook et diffusera la finale en direct sur Culturebox (plateforme de France Télévisions), avant de la programmer sur ses antennes. Comme quoi ce n’est décidément plus la télévision de papa qui fait le buzz. 
François Lafon

Voix Nouvelles en public : Opéra de Massy, 25 et 26 janvier : demi-finales au piano ; Opéra Comique, Paris, 10 février : finale avec orchestre (Orchestre Colonne, direction Laurent Petitgirard) – Théâtre des Champs-Elysées, 24 septembre : Concert des lauréats – fin septembre 2018 - juin 2019 : tournée des lauréats (Photo : Anne-Catherine Gillet © DR)

Onde de choc à l’opéra de l’effet Harvey Weinstein : faut-il, comme en conclut Olivier Py sur France Culture, réécrire les livrets suspects d’entretenir la violence faite aux femmes, faut-il, ainsi que le suggère la journaliste américaine Anne Midgette, interdire aux sopranos non-asiatiques de chanter Madame Butterfly, ouvrage impérialiste, faut-il s’offusquer qu’à Florence dans la mise en scène de Leo Muscato, ce soit Carmen qui assassine Don José, dont la réplique « C’est moi qui l’ai tuée » prend un sens inattendu ? Méli-mélo brassant les sujets sensibles de l’époque, miel pour les bien-pensants de tous bords - des plus angéliques aux moins fréquentables -, rappelant trop souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions et que qui veut faire l’ange fait la bête. Rien de si neuf du reste : en 2016 à l’Opéra de Lyon, Wajdi Mouawad transformait L’Enlèvement au sérail en manifeste féministe (voir ici), tandis qu’au festival d’Aix Christophe Honoré transportait Cosi fan tutte dans une Erythrée mussolinienne aux relents sexistes et racistes, tout cela – en plus politique et musicalement plus scrupuleux - dans la lointaine lignée « acclimatante » de La Flûte enchantée devenue à Paris Les Mystères d’Isis. Des mises au goût du jour rappelant le mot de Pierre Boulez « Ce qui est modé est voué à être démodé », mais esquivant, ce qui est plus inquiétant, la salutaire mise en perspective de l’évolution des mœurs que nous offrent les classiques. Et gêne surtout à l’idée que ce qu’on refoule produit des effets secondaires indésirables, et que le révisionnisme annonce en général des lendemains qui ne chantent pas. Ce qui, à l’opéra, est particulièrement problématique. 
François Lafon

 

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