Escroquerie au Japon, objet d’un récit-fleuve dans le magazine américain The New Republic : pendant des années Mamoru Samuragochi, fils d’un survivant d’Hiroshima, devenu sourd et composant dans la douleur, se donne comme le Beethoven de l’ère numérique : « Ma perte d’audition est un don de Dieu », confie-t-il au magazine américain Times. Or ce génie solitaire entend mieux qu’il ne le prétend, mais surtout il a un nègre, Takashi Niigaki, lequel, las de stagner dans une ombre bien rémunérée mais frustrante, dévoile le pot aux roses. Gêne de la NHK Nippon Columbia, éditrice des tubes du duo, principalement la Symphonie « Hiroshima » («Prière», «Ascension», «Souffrance» et «Chaos », de Bruckner à Carl Orff, et même le thème revu façon Mahler – des critiques s’y sont laissé prendre - de Space Battleship Yamato, une série d'animation de 1974). «J’ai compris que les gens avaient besoin d'une histoire. Il y a eu cette idée Beethoven, une figure plus grande que la vie. Je pense que le monde attendait cela de moi », explique Samuragochi officiellement revenu de ses extases compositionnelles savamment médiatisées. Une arnaque furieusement postmoderne et en fin de compte payante : « Samuragochi a joué à merveille le rôle d'un génie sourd », annonce l’Orchestre National d’Estonie, qui terminera sa saison 2014-2015 avec la Symphonie « Hiroshima ». Sobre intitulé du programme : « Richard Strauss. Sergeï Prokofiev. Mamoru Samuragochi / Takashi Niigaki ». Devise de Samuragochi : « Il n'y a pas de règle que vous ne pouvez briser pour obtenir un meilleur résultat ». Une dérive bien-sûr impensable au pays de Boulez et Dutilleux.
François Lafon
Photo : Samuragochi lors de ses aveux © DR