Assommant, The Dark Knight Rises ? Le dernier volet de la trilogie Batman signée Christopher Nolan est pourtant tout aussi brillant que les deux précédents. Dans le cinéma d’action américain de plus en plus formaté d’aujourd’hui, Nolan se permet de fignoler son histoire pour en faire un portrait assez dévastateur de la société occidentale. Mais on dirait que toute cette subtilité doit entrer dans le cerveau des spectateurs avec le fracas de mille marteaux piqueurs. La meilleure façon de décrire l’écrasante partition composée pour le film par Hans Zimmer est de la comparer à un engin mécanique. De fait, elle s’intègre dans la bande son au même titre que les bruitages : la musique ne sert plus à donner un surplus d’émotion ou d'intensité aux images, elle est purement et simplement un déferlement de décibels.
Pour entendre comment un metteur en scène peut utiliser une musique intelligemment, il vaut mieux voir The Deep Blue Sea, tant que le film reste encore à l’affiche. Le film de Terence Davies, produit avec le budget d’un seul costume de Batman, est d’une économie de moyens (dans tous les sens du terme) qui rend encore plus touchante l’histoire d’une femme au bord du suicide. Toute la magistrale séquence d’ouverture, un long flashback onirique, est portée par le Concerto pour violon de Korngold, joué par Hilary Hahn. La musique ne revient qu’à la fin du film comme un postlude. La magistrale mise en scène se suffit certes à elle seule et nous transporte dans l’Angleterre des années 1950 où se situe l’action, mais le romantisme crépusculaire de Korngold y ajoute une touche nostalgique. En empruntant cette œuvre composée pour la salle de concerts, Terence Davies rend un hommage au compositeur autrichien exilé à Hollywood qui dans les années 1930 a créé un vrai style « classique » pour la musique de films. Si seulement Korngold avait pu revenir pour mettre en musique The Dark Knight Rises…
Pablo Galonce
Photos © DR