Le mercredi et le samedi sur la chaîne Gong Base : "Very bad film", une hilarante (ou déprimante, selon l’humeur) collection de nanars de tous les pays et de toutes les époques. Et pourquoi pas "Very bad record" (très mauvais disque) ? Plus difficile de fonder son choix sur les œuvres : il y aura toujours (révérence gardée) un Glenn Gould pour affirmer que Mozart est mort trop vieux, ou d’honorables érudits pour démontrer que dans le genre « les dieux ont des voix de basses », Le Roi de Lahore de Massenet est infiniment supérieur à La Walkyrie. A ce propos, on pourrait imaginer un worst of des enregistrements wagnériens, par exemple. Prenez Les Maîtres-Chanteurs de Nuremberg : que pensait Karajan du célèbre document live capté sous sa direction à Bayreuth en 1951 (EMI), dont l’atmosphère est certes inimitable, mais où les décalages scène-fosse mériteraient d’entrer aux Livre des Records ? Comment les responsables de Philips (et de Bayreuth) ont-ils sorti – et réédité en CD – les Maitres-Chanteurs dirigés en 1974 par Silvio Varviso (photo), où chanteurs et musiciens ont l’air de compter les (longues) heures les séparant de la délivrance ? Karajan, certes, a réenregistré Les Maîtres-Chanteurs selon ses vœux dix-neuf ans plus tard à Dresde, de même que Georg Solti, roi de l’abîme mystique reconstitué en studio depuis sa Tétralogie « comme si vous y étiez », a corrigé ses ternes Maîtres de 1975 par un brillant remake (Decca – 1995). Questions d’interprétation, bien loin des Very bad films de Gong Base ? Les ratages désopilants sont rares à l’opéra, où l’on est tenté de compatir plus que de se moquer lorsqu’un chanteur est en difficulté, comme ce soir de 1976 au Théâtre antique d’Orange, ou le grand James King a terminé Lohengrin en parlant sur fond d’orchestre. N’empêche : profitez de l’été pour réécouter vos disques, en ne jetant surtout pas ceux que vous trouverez définitivement very bad.
François Lafon