Jeudi 25 avril 2024
Le cabinet de curiosités par François Lafon
Tetro, la musique des pères selon Coppola
lundi 28 décembre 2009 à 11h26
Dans son film Tetro, Francis Ford Coppola livre de manière à peine cryptée sa propre histoire familiale. Thème récurrent : la rivalité, celle du père et du fils, du frère et du frère, du frère qui apprend que son frère n'est pas son frère. Il laisse de côté les femmes, bien que l'on sache qu'entre sa fille Sofia (réalisatrice de Marie-Antoinette) et son fils Ramon, la lutte a été terrible. Il braque en revanche le projecteur sur les pères musiciens. Anton Coppola, chef d'orchestre et oncle du réalisateur, devient Carlo Tetrocini, (un grandiose Klaus Maria Brandauer), star de la baguette autrefois adoubé par Erich Kleiber, et rival heureux de son frère (Carmine dans la vie), à qui il a un jour conseillé de changer de patronyme pour ne pas lui faire d'ombre. Pour une fois au cinéma, la musique ne sert ni d'alibi culturel, ni de toile de fond (même si la BO d'Osvaldo Golijov en fait trop dans sa volonté de saisir les multiples facettes du film). On voit à peine le père dans l'exercice de ses fonctions de chef : Coppola en dit bien plus en accompagnant la confession (d'ailleurs mensongère) de son fils à son propos du chœur à bouche fermée de Madame Butterfly, retrouvant là, en mode mineur, le génie de la scène des hélicoptères/Walkyries d'Apocalypse now. La caméra n'insiste pas non plus sur le maestro écrasant sa progéniture de son mépris, ni les femmes de son charisme. Quelques plans de la poupée Olympia brisée dans Les Contes d'Hoffmann, le film culte de Michael Powell, disent bien mieux les ravages familiaux. Du coup, quand le film, qui faisait jusque-là penser aux contes à éclats multiples de Jorge Luis Borges (et pas seulement parce qu'il se passe à Buenos Aires) lance, sur la fin, des clins d'oeil à Pedro Almodóvar (avec, en prime, la star almodovardienne Carmen Maura), on trouve légitimes quelques scènes folles, comme celle où la baguette du chef défunt est transmise à son frère malheureux, tandis que l'orchestre joue seul la Première Symphonie de Brahms. Pour que la famille renaisse enfin de ses cendres, il faudra que ladite baguette soit cassée, en gros plan. C'est cela, les chefs-d'œuvre : tout y sonne juste, même la musique et les musiciens.
 

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