Deux moments cultes de Shirley Verrett. En 1973, France-Soir titre : « Au Palais Garnier, une prêtresse vaudou enflamme un Trouvère routinier » (sic). Parallèlement, l’enregistrement de Don Carlo par Carlo Maria Giulini talonne celui de Georg Solti : Montserrat Caballé (Giulini) contre Renata Tebaldi (Solti), Placido Domingo contre Carlo Bergonzi, Shirley Verrett contre Grace Bumbry. Dans son spectacle Palazzo Mentale, le metteur en scène Georges Lavaudant, fasciné par son timbre, fait entendre in extenso l’air O Don Fatale. En 1975, quand Verrett chante Lady Macbeth à la Scala de Milan dans la production Giorgio Strehler/Claudio Abbado, le critique Jacques Bourgeois, voix historique (et caractéristique) de France Musique, s’enflamme : « On n’a pas vu ça depuis Callas ! » Verrett sera plus contestée quand elle chantera les sopranos, et marquera le pas derrière sa rivale Bumbry (mêmes origines afro-américaines, mêmes emplois, évolution vers le soprano compris) quand, en 1990, elles inaugureront toutes deux l’Opéra-Bastille dans Les Troyens de Berlioz. Peu importe. Antoine Vitez, qui la met en scène dans Macbeth à Paris en 1984, a le dernier mot : « Les autres, je les dirige. Elle, je lui indique ses places sur le plateau. Tout ce que je pourrai lui raconter sur son personnage, elle le sait déjà. En la regardant chanter, j’apprends beaucoup sur le théâtre. » Shirley Verrett est morte le 5 décembre, à peine un mois après Joan Sutherland. Bad time for opera.
François Lafon