Dans le double cadre du cycle Visions du monde (Cité de la Musique ) et du festival Manifeste (Ircam) consacré cette année à la transgression, Marcus Creed dirige Registre des lumières pour chœur, ensemble et électronique de Raphaël Cendo. Un triptyque convoquant Ovide et Héraclite pour raconter l’histoire du monde, rien moins : fond diffus cosmologique pour "Le Temps des Origines", Eden imaginaire pour "Le Temps des premiers hommes", pouvoirs et contre-pouvoirs pour "Le Temps des civilisations". Elève de Brian Ferneyhough, Fausto Romitelli et Philippe Manoury, le compositeur manie le triple outil orchestral, choral et technologique avec une incroyable virtuosité, relayée par les non moins virtuoses MusikFabrik et SWR Vokalensemble Stuttgart. Constantes des trois volets : éviter la musique imitative, atteindre une certaine transcendance, embrasser le monde dans un grand geste sacré. Tout cela dans un combat forcément sans vainqueur entre le réel (entendu comme un foisonnement ininterrompu) et l’idéal, dont le chœur est le véhicule. Pour préparer l’oreille : Lux Aeterna, pour chœur à seize voix de György Ligeti et Por qué ?/Warum ? de Hans Zender pour chœur mixte à cappella. Souvenir du Ligeti accompagnant le voyage « au-delà des étoiles » dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Neuf minutes pour accomplir, en tout ascétisme, la traversée des apparences dont, depuis toujours, rêvent les musiciens.
François Lafon
Cité de la musique, Paris, 14 juin. Manifeste 2014, jusqu’au 10 juillet. www.ircam.fr Photo © DR