Disparition à 86 ans de Philippe Beaussant, sans qui la révolution baroque n’aurait pas été ce qu’elle est, et qui lui aura été ce que Cocteau fut pour le Groupe de Six, l’érudition musicale en plus. Entre autres textes fondateurs : Vous avez dit baroque ? (Actes Sud - 1988), Lully ou le musicien du Soleil (Gallimard – 1992), Louis XIV artiste (Payot - 1992). Son dernier roman (ah, si tous les musicographes avaient autant de style que lui !) est intitulé Où en étais-je ? Un parfait autoportrait : toujours pressé, toujours débordé, toujours sauvé par son talent et son humour bienveillant. Entre 1999 et 2005, il a publié Mangez Baroque et restez mince et Préludes, fougasses et variations (Actes Sud), mais aussi Le Chant d’Orphée selon Monteverdi (Fayard - un de ses plus beaux livres) ainsi que La Malscène, pamphlet contesté sur les abus (selon lui) des relectures dramaturgiques à l’opéra. Un autoportrait en plusieurs volets, là encore. En 2007, il a succédé à Jean-François Deniau à l’Académie française (fauteuil 36), élection fêtée Salle Favart par le gratin baroque qui savait ce qu’il lui devait. Au Monde de la Musique, dont il a été trente ans durant l’un des plus fidèles collaborateurs, le « Beaussant du mois » arrivait traditionnellement au dernier moment, feuilles noircies d’une écriture hâtive (il n’a jamais touché une machine à écrire ni un ordinateur) mais aussi précise que ses idées étaient originales et ses argumentations solides. Et puis, toujours et partout, cette façon qui n’était qu’à lui d’enchanter la musique et de faire revivre des mondes trop longtemps endormis.
François Lafon