Romancier, poète, critique, jongleur de mots, collectionneur hétéroclite, Michel Butor, mort le 24 août 2016, se passionnait pour tout ce qui permet de raconter l’art et la vie. En 2006, il se confiait au Monde de la Musique.
« Enfant de chœur, je m’efforçais de donner à ma clochette une sonorité la plus délicatement respectueuse. Dans le scoutisme, j’ai déchiffré le grégorien, m’émerveillant non seulement de la splendeur de certains offices, Noël ou la Semaine Sainte, mais du fait que la partition se déroulait sur une année entière avec variations à chaque reprise dépendant de la mobilité de certaines fêtes et du déplacement des semaines par rapport aux dates des mois. Tout le bruit de la vie profane était rythmé, canalisé par la colonnade liturgique. Naturellement, voyageant dans d’autres cultures, je me suis intéressé à leurs calendriers, leurs façons de le colorer et de marquer les alternances. A chaque gong asiatique, à chaque syllabe du muezzin, à chaque tambour de pueblo, mon enfance remonte avec ses émois et ses doutes, m’adjurant de lui découvrir une liturgie novatrice, libérée des anciennes chaînes, résonnant dans le monde entier avec toutes ses différences. »
Texte paru en 2006 dans le hors série Musiques sacrées, Le Monde de la Musique (Photo © DR)