Instantanés de Margaret Price au Palais Garnier : standing ovation au troisième acte des Noces de Figaro, après l’air « Dove sono » ; idem après le « Per pieta » de Cosi fan tutte, le chef Josef Krips s’impatientant dans la fosse et faisant de grands gestes pour que les gens se rassoient. Pluie de fleurs à la fin de Don Giovanni, qu’elle partage avec Kiri Te Kanawa ; atmosphère électrique entre elle et Jon Vickers pendant le duo du premier acte de l’Otello de Verdi. Tandis que l'Opéra de Paris fête Rolf Liebermann, « sa » chanteuse s’en va, à soixante-neuf ans. On garde ses disques, pas assez nombreux : la Comtesse des Noces avec Riccardo Muti (mais enregistrée trop tard), Fiordiligi dans Cosi avec Otto Klemperer, Donna Anna de Don Giovanni avec Georg Solti (mais les autres ne sont pas à son niveau), Desdémone d’Otello, toujours avec Solti (et les excellents Carlo Cossutta et Gabriel Bacquier), tous ses récitals avec piano, et puis, bien sûr, cette Isolde qu’elle n’aurait jamais pu chanter sur scène, mais que Carlos Kleiber drape dans la soie et l’or. Gros regret : elle n’avait pas été retenue pour le Don Giovanni filmé par Joseph Losey. Question de physique et non de voix. Parce que Margaret Price, qui avait commencé mezzo et s’était lancée en remplaçant Teresa Berganza en Chérubin au Covent Garden de Londres, possédait une des plus belles voix de soprano jamais entendues.
François Lafon