L’année dernière, Chopin et Schumann. Cette année, Liszt et Mahler. Les anniversaires vont par deux. Schumann n’a pas pu tenir tête à Chopin. Le roman de Robert et Clara ne se vendra jamais aussi bien que celui de Frédéric et George, et la Polonaise héroïque fait moins peur que les Scènes de la forêt. Avec Liszt, on est entre les deux. Drôle de musique, ou plutôt drôles de musiques : les Rhapsodies hongroises et les Harmonies poétiques et religieuses, Rêve d’amour et Saint François de Paule marchant sur les flots. Drôle de personnage aussi : star du clavier et abbé mystique, leader d’opinion de l’Europe musicale et idéaliste, méprisé par son gendre Wagner, mais qui mourra à Bayreuth. Mahler l’irascible, chef vedette accouchant d’une galaxie symphonique qui mettra un bon demi-siècle à s’imposer, n’est pas moins intimidant, et il n’est qu’en apparence plus facile à cerner. Aucun des deux n’est aussi people que Chopin (aucun musicien, à vrai dire, si ce n’est Mozart), mais les pianistes sont (presque) tous là pour jouer Liszt, et tous les orchestres veulent avoir leur intégrale Mahler. Signe que, sans faire autant rêver les jeunes filles, Liszt talonne Chopin dans l’imaginaire collectif : la littérature qu’il a générée, et qu’il génère encore. Les nouveautés (rien qu’en français) du bicentenaire sont signées Laurence Le Diagon-Jacquin (Hermann), Bruno Moysan (Symétrie), Isabelle Werck (Bleu Nuit), Alain Galliari (Fayard), Jean-Yves Patte (Eponyme), Frédéric Martinez (Folio Biographies), Jean-Yves Clément (Actes-Sud). Cadeau dépassé (1925) mais toujours apprécié : La vie de Franz Liszt de Guy de Pourtalès (Livre de poche). Sur Mahler, en revanche, rien de nouveau, si ce n’est un ouvrage d'initiation signé Christian Wasselin (Découvertes/Gallimard) et un recueil de nouvelles de Michel Redon intitulé Nuit de Mahler (L’Harmattan). On ne saurait mieux dire.
François Lafon