Pas de chance, Mozart, au cinéma. Deux films, ce printemps, le mettent en scène. L’un, Don Giovanni, naissance d’un opéra, est signé Carlos Saura. On y voit Lorenzo Da Ponte et son ami Casanova imaginer un nouvel ouvrage tiré du mythe (rebattu) de Don Juan, et s’adjoindre Mozart pour la musique. Ce dernier est présenté comme un génie mal aimé, un malade qui se soigne en prenant des bains glacés. Saura, qui s’est reconverti dans l’art pour l’art depuis la fin du franquisme, donne dans le trompe-l’œil baroque. Mais n’est pas Fellini qui veut, et ses jeux de miroir débouchent sur un océan de lieux communs (où est le théâtre, où est la vraie vie ?), auxquels perruques poudrées et éclairages à la Barry Lindon n’ajoutent pas grand-chose.
René Féret, lui, est plus sobre. Dans le ton mineur de La Communion solennelle et de L’Enfant du pays, son Nannerl, la petite sœur de Mozart (rien à voir avec la chanson rigolote de Marie-Paule Belle) expose une thèse et défend une cause. Si elle avait été un homme, Nannerl aurait volé la vedette à Wolfgang et aurait composé des chefs-d’œuvre, au lieu d’être mise sous le boisseau par son papa Leopold. Sous les perruques (plus classiques, plus Comédie-Française que celles du film de Saura) gronde déjà la révolution. Quand commence ce film-là, Mozart a dix ans, et n’en est pas encore à composerDon Giovanni. La musique est à l’avenant, indiscrète chez Saura, discrète chez Féret. Dans les deux cas, c’est la marque Mozart que l’on vend. Esthétisme dans l’un, militantisme dans l’autre. Deux pièges dans lesquels, justement, Mozart n’est pas tombé.
François Lafon
Don Giovanni, naissance d’un opéra, de Carlos Saura, en salle depuis le 12 mai - Nannerl, la petite Sœur de Mozart, de René Féret. Sortie le 9 juin.