Dans la revue professionnelle La Lettre du Musicien de février, la soprano Mireille Delunsch publie un texte polémiquement intitulé « A quand une Music Pride ? ». Extraits : « Offrez la musique classique, comme un cadeau précieux (…). Si vous ne le faites pas, bientôt, il n’y en aura plus ! (…) Demandez-en ! A vos députés, à vos élus, oui, en leur écrivant ! (…) N’écoutez pas les grands médias qui font du “classique-bashing”, si, si ! C’est insidieux mais, sur fond de millions qu’a coûté la Philharmonie et qui n’est pas “populaire”, sur fond d’accusation d’élitisme, on nous suggère que (…) gratter trois accords de guitare est bien suffisant pour provoquer des extases. Protestons donc pour que l’excellence reste la locomotive de notre culture (…), ne serait-ce que pour garder un œil critique sur ce que les multinationales de la production musicale veulent nous forcer à acheter, à grand renfort de publicité. (…) Et nous autres musiciens et chanteurs (…), cessons de raser les murs en ayant honte de ne pas faire d’argent, de dépendre de l’argent public. Cet argent-là génère des recettes considérables en activités économiques parallèles ». Un texte clair et net, qui colle au contexte : coupes claires dans les subventions, fermeture de théâtres et de conservatoires, lâchages municipaux d’institutions prestigieuses (Les Arts Florissants à Caen, Les Musiciens du Louvre à Grenoble), oubli de la pratique musicale dans le plan gouvernemental de « mobilisation de l’école pour les valeurs de la république ». Sur le site de Pompei, en Italie (2 millions de visiteurs chaque année), la Maison des gladiateurs, endommagée par les pluies diluviennes de l’automne dernier, est laissée à l’abandon au prétexte que les programmes de restauration sont arrêtés faute d'argent : « On a fait de grandes expositions, des concerts, un site Internet, et on a délaissé la conservation, le travail de l'ombre », commente dans le quotidien La Croix un professeur d’histoire ancienne. Là aussi, la crise a bon dos.
François Lafon
Photo : Mireille Delunsch dans la Voix humaine © DR