Comme un écho aux propos de la chanteuse et metteur en scène Mireille Delunsch (voir ici) à propos du régime sec imposé en ces temps de crise aux institutions culturelles, la dramaturge et professeur de lettres Barbra Métais-Chastanier pointe dans le quotidien Libération la dérive populiste des politiques culturelles : « Se diffuse, ainsi, à gauche comme à droite, un discours antiélitiste qui privilégie les formes les «moins contraignantes», selon les mots de Karim Boumedjane, chargé de la culture au Blanc-Mesnil, au détriment de l’exigence artistique », débouchant sur des « fabriques de l’exclusion » et sur un « élitisme qui ne dit pas son nom », les « lieux d’art et de culture » devenant « des lieux «populaires» et « soucieux des goûts de chacun», vague succédané démagogique du «populaire» des années 50 défendu par Jean Vilar ou Antoine Vitez ». Appliqué à la musique dite classique, communément considérée comme élitiste, le débat perd une partie de son sens, une fois admis que Carmen est plus populaire que Moïse et Aaron de Schoenberg (et pourtant, le Veau d’or vs le Verbe désincarné…) et que le Boléro de Ravel est plus susceptible de plaire au plus grand nombre que la 3ème Symphonie d’Albert Roussel, son exacte contemporaine (1930). Déjà Jean Vilar, Maurice Béjart et Pierre Boulez, dans un rapport célèbre commandé par André Malraux, suggéraient de rebaptiser l’Opéra de Paris « Centre français pour le théâtre et la musique ». « Il ne s’agit plus alors d’un opéra où l’on vient passer une soirée même excellente, mais d’un centre de rénovation aidant à repenser tous les problèmes posés par la fonction du théâtre, du mouvement de la musique, un noyau dont pourront surgir de nouvelles idées sur la conception de notre époque quant à la culture générale », y expliquait Boulez. Rapport datant de ... 1968, bien vite enterré, Vilar refusant de "collaborer" avec le régime gaulliste. Aucun lien bien sûr avec l’onéreuse et élitiste Philharmonie de Paris tant désirée par Boulez, laquelle d’ailleurs, pour l’instant, ne désemplit pas.
François Lafon