Disparition du baryton Gabriel Bacquier, à la veille de ses quatre-vingt-seize ans. Don Giovanni, Scarpia, Falstaff, Golaud, grand seigneur et homme du peuple, feu et glace, autorité et vis comica. Plutôt qu’une nécrologie de plus, dix souvenirs en hommage à un artiste hors-normes.
1960 - Le Don Giovanni « du » graphiste Cassandre au Festival d’Aix-en-Provence, en direct et en Eurovision. Bacquier promu vedette en une soirée. Six ans plus tard, Pelléas et Mélisande, toujours en direct d’Aix (en prime time, autres temps…)
1960 - Le jeune Bacquier enregistre Scarpia, avec Jane Rhodes en Tosca. Seul témoignage de studio du grand Scarpia de l’après-guerre (avec Tito Gobbi) … mais en français.
1975 - Palais Garnier, La Force du destin de Verdi. Bacquier en Fra Melitone, moine ivrogne et irascible. Le public rit tellement qu’on n’entend plus l’orchestre.
1976 - Palais Garnier, Otello de Verdi avec Placido Domingo et Margaret Price. Cabale contre Bacquier (pas assez verdien ?) en Iago. Tel Robert Hirsch sifflé dans Ionesco à la Comédie-Française, il esquisse un bras d’honneur à la salle.
1977 - Palais Garnier, Don Giovanni. Une orange échappée du souper final roule sur le plateau enténébré. Bacquier (maintenant Leporello) la ramasse et jongle avec elle, dernier salut au Don foudroyé.
1978 - Aix-en-Provence, Don Pasquale de Donizetti. Partenaire : un (faux) singe, ajout du metteur en scène Jean-Louis Thamin.
1980 - Metropolitan Opera de New York, Bacquier magistral en Beckmesser des Maîtres Chanteurs de Wagner. Fake news : il était le premier à regretter de ne pas avoir touché au répertoire germanique.
1984 - Palais Garnier : adieux au rôle de Scarpia. Bacquier assassiné par Hildegard Behrens devant une salle … distraite : le siège de Luciano Pavarotti vient de céder sous son poids.
1996 - Lille, le vieux roi Arkel dans Pelléas et Mélisande sous la direction de Jean-Claude Casadesus (enregistré par Naxos). Passage de relais avec la jeune génération française (dont Mireille Delunsch)
2008 – Dernier acte : un album de chansons de Pierre Louki. Rien moins que du cross over.
François Lafon
Photo : Gabriel Bacquier au Festival de Nohant en 1986