Soulevé par le journaliste anglais Norman Lebrecht dans son blog Slipped disc, ce lièvre qui en dit long sur le désarroi des maisons de disques face à la crise : en septembre dernier, paraît chez Deutsche Grammophon un album intitulé Exploring Machaut, réunissant le guitariste brésilien Milton Nascimento et les chanteuses de jazz Madeleine Peyroux et Jasmine Thomas. Du crossover pur et dur. Selon Robert Sadin, le concepteur et producteur du produit, il s’agit d’un hommage au célèbre disque The Art of Courtly Love, dû au pionnier de la musique médiévale David Munrow (1942-1976). Coût de l’enregistrement : 200 000 dollars. Ventes aux Etats-Unis : à peine 4 500 exemplaires. En Europe, diffusion minimale et escamotage de l’objet. Pour le peu qu’on en entend sur le site de DG, le résultat oscille entre le feu de camp post-Woodstock et les éliminatoires de la Nouvelle Star. Comme le dit Lebrecht : Art of courtly love ? Ni art ni amour. On pourrait ajouter : pas grand-chose de courtois non plus. Ecoutez, pourtant, les quatre plages disponibles sur le site en vous mettant dans la peau d’un producteur aux abois : dans le genre, il y en a eu de pires, et qui ont été des succès. C’est ça qui fait froid dans le dos. Aux dernières nouvelles, Chris Roberts, président d’Universal Classics and Jazz, est sur la touche. « Une chance historique pour DG », commente Lebrecht. Mais que reproche-t-on à Roberts ? Ses mauvaises affaires? Sûrement. Son mauvais goût ? C’est moins certain.
François Lafon
The Art of Courtly Love (Machaut, Binchois, Dufay). The Early Music Consort of London, David Munrow (dir.) – 1 CD Virgin Classics