Parmi les mille quatre cents entrées du Dictionnaire encyclopédique Wagner, chez Actes Sud : haute couture, Bouddha, Racine, Darwin, androgyne, bourgeoisie, archaïsme, animaux, orientalisme, idéalisme, lieux communs, sublime, changement à vue, opéra culinaire, totalité, ennui, mégalomanie, polissonneries, chasteté, antisémitisme, totalitarisme, dégénérescence, dessin animé, monologue intérieur, George Lucas, Robbe-Grillet, femme et crise de l’identité, pantomime, culture de masse, mangas, Marcuse, onomastique et toponymie, peuple, réseaux, responsabilité, synesthésie, Tolstoï, Van Gogh, Chaplin. Trente-cinq rédacteurs s’y sont mis, sous la direction de Timothée Picard, professeur de littérature comparée à Rennes. Le pavé (2500 pages) est tout à la fois indigeste et passionnant. Indigeste, un dictionnaire ? On n’est pas obligé de tout lire à la fois. Non, mais quand on se plonge dans celui-ci, on subit les sortilèges du chromatisme wagnérien : comme dans Tristan ou Parsifal, les motifs s’enchaînent et ne nous lâchent plus. Et puis la vastitude du sujet est telle qu’on en ressort à la fois incollable et passablement perdu. Aucun autre musicien - pas même Mozart, ni Beethoven, ni Verdi - ne se prête à un tel tir groupé, et ne continue à soulever avec autant d’acuité les sujets qui fâchent comme ceux qui charment. « Ne peut-on aimer aujourd’hui Wagner que malgré ? » demande Picard dans la postface. Trente-quatre des trente-cinq rédacteurs de ce monument sont français ou francophones. Comme aime à le dire Nike (page 672 dans le livre, fille de Wieland, spécialiste du satiriste Karl Kraus et prétendante malheureuse à la direction de Bayreuth) : si les Français aiment tant Wagner, c’est parce que « Hoïotoho ! » (cri de la Walkyrie) et « Johohoe ! Johoe ! » (appel de Senta dans Le Vaisseau fantôme) les font moins rire que les Allemands.
François Lafon
Dictionnaire encyclopédique Wagner, sous la direction de Timothée Picard. Actes Sud/Cité de la Musique, 2495 p., 79 euros.