Création française, au théâtre des Variétés, de Collaboration de Ronald Harwood. La pièce, qui met en scène Richard Strauss et Stefan Zweig travaillant à l’opéra La Femme silencieuse, est le deuxième volet d’un diptyque dont Taking Sides (le procès en dénazification de Wilhelm Furtwängler) est le premier. Strauss, Allemand illustre mais dont la belle fille était juive, a collaboré, Zweig, qui était juif lui-même, a dû fuir, et La Femme silencieuse a disparu de l’affiche au bout de trois représentations. Harwood - à qui l’on doit le scénario du Pianiste de Roman Polanski ainsi que la pièce L’Habilleur (une troupe modeste joue Shakespeare pendant le Blitz) - actionne son ressort dramatique habituel : quel parti prendre quand la barbarie est là ? L’Angleterre raffole de ces pièces à thèse, très vieux théâtre, et dispose d’acteurs qui les jouent avec un naturel confondant. Ici, le procédé paraît plus artificiel encore, et les meilleurs comédiens se retrouvent en porte-à-faux. Comme Michel Bouquet dans Taking Sides, Michel Aumont et Didier Sandre hésitent entre premier degré et représentation distanciée des icônes que sont Strauss et Zweig. C’est encore à la lecture que la pièce se prête le mieux. Elle est justement parue, accompagnée d’un intéressant dossier dramaturgique, dans l’excellente revue qu’est l’Avant-Scène Théâtre.
François Lafon
Collaboration, de Ronald Harwood. Théâtre des Variétés, Paris. Texte paru dans L’Avant-Scène Théâtre n° 1306. 12€.