Colette, du temps où elle était critique musical au quotidien Gil Blas de concert avec Debussy (1903) : « Avant le concerto, Mme Faliero-Dalcroze avait chanté de la musique italienne avec une voix fraîche et une robe rose. » ; « Salle Humbert de Romans, la vicomtesse de Trédern a chanté Ève de son mieux. Ce mieux est l'ennemi du bien » ; « Quelle foule au Nouveau-Théâtre ! On y joue pourtant de l'excellente musique ! Si le public devient connaisseur, maintenant, c'est la fin du monde ! » ; « Mlle Dangès vocalise un si déplorable air des Huguenots qu'elle ferme les yeux tout le temps, pour ne pas voir ce qu'elle chante. » Elle avait annoncé la couleur en prélude à son premier article, s’autorisant de la réputation de feuille de chou mondaine que traînait Gil Blas (où ont écrit, quand même, Courteline, Maupassant, Zola, Barbey d’Aurevilly, Jules Renard, Tristan Bernard et quelques autres) : « Rassurez-vous, je ne vous parlerai, chaque semaine, que très peu de musique. D'abord, parce que ça m'aralerait ; ensuite parce que Debussy aux boucles d'ébène me paraît, tout de même, plus autorisé que moi […]. J'apporterai, du moins, à cette critique à côté (très à côté) la bonne foi et la mauvaise éducation qui m'ont déjà fait tant d'ennemis dont j'espère bien que chaque jour grossira le tas. » Elle ne faisait que suivre l’exemple de Debussy, lequel n’hésitait pas à décrire ainsi une mélodie de son confrère Grieg : « C’est une espèce de chanson, très douce, très blanche, de la musique pour bercer les convalescents dans les quartiers riches… » Tout cela longtemps avant le politiquement correct. Comme faisait dire George Bernard Shaw (lui aussi critique musical à ses heures) au Pr Higgins dans sa pièce Pygmalion : « Les Français s’intéressent moins à ce qu’ils disent qu’à la manière de le dire ».
François Lafon
Colette : Au Concert, édition établie et présentée par Alain Galliari, Le Castor Astral (1992)