Quoi de neuf chez Warner ? L’intégrale Maria Callas en 69 CD. Nouveau packaging, livret somptueux, édition collector. Le neuf ? Une sérieuse remasterisation, dont le brillant Allan Ramsey, musicien lui-même et ingénieur du son aux studios d’Abbey Road, est venu à Paris expliquer le pourquoi et le comment. Le pourquoi est évident : depuis ses premiers récitals chez Cetra jusqu’à ses derniers enregistrements EMI, les disques de studio de Maria Callas (les live sont une autre affaire) avaient en commun une prise de son qui les faisait paraître de vingt ans plus vieux qu’ils n’étaient. Leur(s) réédition(s) en CD n’avaient rien amélioré, si ce n’est que la réverbération qui les enveloppait d’un voile de rêve (version optimiste de la situation) paraissait plus artificielle encore. Premier exemple commenté par Ramsey : « Casta diva » dans l’enregistrement stéréo de Norma réalisé à la Scala de Milan en 1960. Avant : voix soliste émergeant d’un magma orchestral additionné de chœurs nébuleux. Après : choeurs toujours nébuleux, orchestre beaucoup plus détaillé, voix incroyablement présente : prises de souffle, sons « dans les joues » (spécialité de l’artiste, à ne surtout pas imiter), disparité des registres, variété des colorations (critiquées à l’époque, admirées par la suite). Surtout, différence de perspective : Callas au premier plan, orchestre déployé derrière elle. Plus de présence, moins d’atmosphère, diront les nostalgiques des vieilles cires. Eternel débat. Au moins peut-on - sur pièces - apprécier la tant vantée idylle sonore de Callas avec Karajan dans Le Trouvère (1956) ou la façon dont celle-ci fait vivre le mariage texte-musique dans sa si controversée Carmen (« Quand je vous aimerai … »). Le comment est affaire de technique (HD 24-bit/96kHz : « Même différence qu’entre une photo prise avec des appareils de 1 et de 12 mégapixels ») et de patience : travail de bénédictin sur les bandes de Londres à Milan, réécoute des diverses prises, analyse des montages, détection des bruits parasites (rumble du métro, ronflement des motos). « Sans pour autant nous permettre de choisir d’autres prises, ni de changer quoi que ce soit au montage final » précise Ramsey. Callas forever donc ? Jusqu’à la prochaine étape d’une inusable redécouverte.
François Lafon
Callas remastered, complete studio recordings (1949-1969). 1 coffret de 69 CD. Intégrales et récitals disponibles séparément