Foisonnant, le numéro de la revue Books (L’Actualité par les livres du monde) consacré à la musique. En couverture, une kyrielle de mots-clés : répression, rêve, sexe, subversion, transe, violence, joie, amour, beauté, cerveau, drogue, libération, obsession, religion. On y apprend que la musique sert à canaliser la violence, selon la thèse de Jacques Attali dans son livre Bruits (1977, réédité en poche en 2009), qu’elle a joué un rôle primordial dans l’évolution de l’Homo Sapiens, qu’elle est capable d’anticiper les idées du futur, qu’elle peut entraîner des pathologies inquiétantes, mais aussi qu’en dépit de ce qu’en pensent moralistes et cartésiens, elle a peut-être pour seule fonction de procurer du plaisir. On passe en revue ses aspects sociaux et politiques : le negro spiritual et ses dérivés (blues, jazz, rock, rap), la sacralisation des compositeurs au XIXème siècle (Rossini, premier compositeur charismatique), l’engagement des musiciens pendant l’entre-deux guerres, la méfiance des religions vis-à-vis de phénomènes sonores où l’âme et le corps entretiennent de dangereuses accointances. Viennent enfin les phénomènes récents, du disco accompagnant la libération des homosexuels au « rap petit blanc » d’Eminem, pour finir par les diverses utilisations des sons à des fins totalitaires, depuis Staline récupérant Prokofiev jusqu’au hard rock diffusé à tue-tête dans les cellules de Guantanamo. Condition préalable : accepter que la plupart de ces articles véhiculent des références et des schémas de pensée typiquement américains. Les mêmes sujets, traités par des Européens, pourraient nous entraîner sur des chemins bien différents. Qui s’y colle ?
François Lafon
Le Pouvoir de la musique. Books, n° 14, juillet-août 2010. 5,90 euros.