Touchante vision que celle des Bénédictines de l’abbaye Notre-Dame de l’Annonciation de Barroux, dans le Vaucluse, signant à travers les barreaux de leur clôture un contrat d’enregistrement avec Decca, en récompense de leur succès à un concours de chant grégorien féminin auquel ont participé soixante-dix couvents du monde entier. « Au début, nous avons eu peur que cela remette en cause notre vie cloîtrée, explique la Mère supérieure. Nous en avons parlé à Saint Joseph dans nos prières, et elles ont été exaucées ». L’enregistrement s’est, paraît-il, passé normalement, si ce n’est que les techniciens n’ont pas eu le droit de pénétrer dans la chapelle quand les moniales y étaient. Le produit sera 100% bio : de vraies religieuses en prière, et dans leurs murs. De quoi faire de la concurrence aux éternels Bénédictins de Solesmes, et surtout aux très tendance Cisterciens du Stift Heiligenkreuz, en Autriche (plus d’un million d’albums vendus). Art ou prière ? Toujours la même ambiguïté. Peut-on mettre en concurrence l’ensemble Organum de Marcel Pérès et un chœur de clercs en pleine action de grâce ? Quelques (rares) critiques se refusent à le faire. Après tout, si les moines se laissent enregistrer, c’est qu’ils acceptent la règle du jeu. Au public, après cela, d’évaluer le degré de spiritualité dégagée par les uns et les autres.
François Lafon