En même temps que "Natalie Dessay/Michel Legrand - entre elle et lui" (Erato), parution d’"Anne-Sofie von Otter : Douce France" (Naïve). Deux façons d’échapper au chant classique sans renier ses origines. Pour chanter variétés, supprimez le vibrato, explique Dessay (voir ici). Difficile en effet de d’imaginer le contre fa de la colorature dans la voix parlée-chantée qui détaille la Recette pour un cake d’amour (Peau d’Ane) et la Chanson de Delphine à Lancien (Les Demoiselles de Rochefort). Von Otter, mezzo suédoise à l’aise dans la langue de Verlaine et Ferré, descend de moins haut, et enchaîne mélodies (de Reynaldo Hahn à Ravel) et chansons (Lemarque, Kosma, Trénet, Moustaki) sans solution de continuité : tout juste remet-elle le vibrato dans Parlez-moi d’amour. Un cross over plus difficile à manier en français qu’en anglais, où Eileen Farrell jadis, Kiri Te Kanawa naguère et Renée Fleming récemment ont donné l’exemple : Dessay a curieusement l’air d’une débutante en duo avec Legrand (Les Moulins de mon cœur) et Von Otter vit une timide Vie en rose en regard de Piaf et Marlène. On rêve au contraire d’entendre chanter Fauré comme l’ont fait Barbara (Au Cimetière) ou Montand (Les Berceaux), ne serait-ce que pour débarrasser la mélodie française de son tenace parfum de vieux rideaux. Mais ce n’est probablement pas à des cantatrices qu’il faut demander cela.
François Lafon
Natalie Dessay/Michel Legrand - entre elle et lui : 1 CD Erato/Warner – Anne-Sophie von Otter : Douce France, 2 CD Naïve.