Plan-séquence : Théâtre des Champs-Elysées, le public attend le début d’un récital. Les lumières baissent, applaudissements, le silence se fait dans la salle, puis on entend les premières notes d’un Impromptu de Schubert. La caméra reste sur le public à l’écoute, laissant le soliste hors-champ. On verra dans le plan suivant que le pianiste est Alexandre Tharaud, qui dans sa loge reçoit la visite de son ancien professeur de piano. Dans Amour, le film de Michael Haneke, Palme d’Or au dernier Festival de Cannes, cette séquence musicale fait figure de divertissement, une escapade avant l’enfer. Le reste est un huis clos dans l’appartement de Georges et Anne, où le mari va assister au délabrement physique et moral de sa femme, victime d’une attaque cérébrale. Alexandre Tharaud, dans son propre rôle, y vient pour rende visite à son professeur et la découvre, très diminuée, sur une chaise roulante. Le pianiste devenu acteur pour un jour n’est pas ridicule face à ses partenaires (Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant), tout comme le chanteur William Shimmel qui fait aussi une très courte apparition comme le mari d’Eve (Isabelle Huppert), la fille du couple. Le talent musical de Tharaud est d’ailleurs peu sollicité. De musique, on en parle plus qu’on n’en entend dans ce film à la mise en scène tirée au cordeau où le silence prend de plus en plus de place. Haneke, qui ne rajoute pas de pathos, se refuse la facilité de souligner une scène avec un morceau de musique. Ecouter Beethoven ou Schubert semble même incongru pour ce couple d’octogénaires qui voit venir la mort. Quelle consolation peut-on trouver dans la musique quand la vie nous échappe ?
Pablo Galonce