Mardi 19 mars 2024
Concerts & dépendances
dimanche 28 juillet 2013 à 14h56

Construit à partir de la fin du XVème siècle, le Logis de la Chabotterie est un haut-lieu des guerres de Vendée : le dernier chef vendéen, Charette, y fut arrêté le 23 mars 1796. Il s’agit maintenant d’un beau musée aménagé avec des meubles et objets antérieurs à 1790. Pour sa deuxième manifestation de la saison, le 17e festival de musique baroque « Musiques à la Chabotterie » s’est délocalisé dans une salle aux dimensions adéquates pour une magnifique exécution de concert de l’opéra-ballet Les Indes galantes de Rameau, menée avec une conviction de tous les instants par son directeur artistique Hugo Reyne. La partition - avec comme thème l’exotisme, la découverte de pays imaginaires hors d’Europe - est géniale de bout en bout, tant en ce qui concerne les parties vocales que les danses, mais c’est un exploit que de la donner en concert sans coupures, en une soirée d’une durée de quatre heures, entracte compris. Il faut un orchestre incisif et discipliné (c’était le cas de la Simphonie du Marais), un chœur plus qu’à la hauteur et surtout - qualité essentielle dans le répertoire baroque français - des chanteurs capables de faire ressortir les perpétuelles inflexions dramatiques du texte et d’en articuler clairement les paroles. Mention spéciale, dans la mesure où ils n’ont « pris » leur rôle qu’au dernier moment, à la soprano Chantal Santon Jeffery et au baryton-basse Marc Labonnette. Une aventure passionnante jusqu’à la chaconne finale, la plus belle de toute la musique française.

Marc Vignal

Saint-Georges-de-Montaigu, Salle Dolia, 26 juillet 2013

jeudi 25 juillet 2013 à 00h06

Au Théâtre Ephémère du Palais-Royal dans le cycle "Voyage en Afrique du Sud", Paris Quartier d’été importe Refuse the Hour, le spectacle de William Kentridge qui avait décontenancé le festival d’Avignon 2012. Autour de l’illustre artiste (peintre, vidéaste, sculpteur, comédien, etc.) des musiciens, des chanteuses, des danseuses, des objets, des films, des trompe-l’œil. Son sujet : nier le temps. Dans un anglais oxfordien, il convoque la science, la littérature, la philosophie, les souvenirs personnels, périodiquement interrompu par son turbulent entourage : métronomes géants, cuivres hurlants, corps désarticulés, cantatrices reprenant Le Spectre de la rose (Berlioz – Nuits d’été) en canon, comme un incoercible leitmotiv. On attend du grand homme qu’il nous transporte dans le monde fou qu’il avait inventé au festival d’Aix (voir ici) pour raconter l’aventure folle du Nez de Chostakovitch, mais il tourne en rond, se répète, collectionne les clichés. Idem pour les images, les cris, les onomatopées. Mais que manque-t-il ? On pense à Méliès, aux Monty Python, mais ce n’est pas ça. Trois porte-voix multifonctions - autres leitmotive - donnent la réponse : ce sont les Shadoks qu’il nous faudrait. Eux n’avaient pas besoin de jouer les conférenciers pour manier la philosophie des trous noirs et plonger dans les abîmes de la pensée en vrille.

François Lafon

Théâtre Ephémère du Palais-Royal, Paris, jusqu’au 27 juillet Photo © DR

Danses pour l'oreille au festival de Montpellier, avec Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth. Instruments baroques pour Lully (Le Bourgeois gentilhomme) et Rameau (Les Indes galantes), romantiques poiur Delibes (Coppélia) et Massenet (Le Cid), début XXème pour Stravinsky (Le Sacre du printemps). Tour de force technique et signature de l'ensemble, plus à son affaire tout de même dans la seconde partie du programme : grisante Coppélia et Sacre fauve, joué tel qu'il a été créé et non dans une des habituelles simplifications. Raccourci saisissant de quatre cents ans de ballet français aussi, où l'on pressent chez Lully (dirigé par Roth avec une canne frappant le sol, comme celle qui fut fatale au compositeur) les violences calculées de Stravinsky. Plaisir, en plus, d'entendre ce Sacre "à l'ancienne" dans de meilleures conditions qu'au printemps dernier dans la Grande Halle de La Villette (voir ici). Plus tôt dans la journée, masterclass technique et compétente de Renaud Capuçon suivie par un public (nombreux) de fans, mais surtout récital du jeune pianiste russe Yevgeny Sudbin, artiste fascinant qui mériterait la gloire d'Evgeny Kissin ou de Nikolaï Lugansky, confrontant Liszt et Debussy avec une puissance expressive rappelant Emil Guilels pour mieux nous entraîner dans les folies mystiques de la 5ème Sonate de Scriabine.

François Lafon

Photo : la partition du Sacre dans les mains de François-Xavier Roth

vendredi 12 juillet 2013 à 08h41

Ouverture du festival de Montpellier avec Mass de Leonard Bernstein. Une messe de l'époque de Jésus-Christ Superstar et de la guerre du Vietnam, composée pour l'ouverture du Kennedy Center de Washington (1971). Une messe étrange, provocante, mêlant au texte latin des poèmes pas très catholiques et convoquant un orchestre symphonique, des claviers électroniques, des guitares électriques, un célébrant sachant chanter (baryton), danser et soulever les foules, un grand choeur, une maîtrise et une chorale de rue. Un pied de nez officiel à Richard Nixon, alors président (républicain) lequel boycotta l'événement, laissant la place d'honneur à Jackie Kennedy, veuve du dédicataire (démocrate et catholique). Un monstre musical aussi, illustrant la conviction de Bernstein que l'avenir de la musique n'était pas dans l'avant-garde néo-Ecole de Vienne mais dans le mariage du classique et de la pop, du rock et du gospel, du savant et du populaire. Quarante-deux ans plus tard, salle en délire pour Jubilant Sykes (le Célébrant, extraordinaire), pour le chef James Judd, pour les deux-cent cinquante exécutants, pour cette fête musicale imparfaite et inspirée, où l'on brise un calice, où l'on apprend que "la moitié des gens est stoned et l'autre attend les élections", et que " l'heure des gens de pouvoir est venue". Dans un premier état, la musique de Mass devait servir de bande originale au Saint-François d'Assise sulpicien de Franco Zeffirelli (François ou le chemin du soleil - 1972). Les voies du Seigneur... En prélude, une heure avec l'étonnant Imani Winds de New-York, cinq souffleurs virtuoses passant en douceur de Gershwin à Elliott Carter, de Bernstein à  la musique Klezmer. Là aussi, nostalgie d'une certaine innocence.

François Lafon

jeudi 11 juillet 2013 à 08h31

Première, au festival d'Aix-en-Provence, d'Elektra de Richard Strauss dirigé par Esa-Pekka Salonen et mis en scène par Patrice Chéreau. Deux généralités : 1 - Les événements les plus attendus sont souvent les plus décevants - 2 - Les oeuvres qui paraissent le mieux convenir à un interprète sont les plus traîtres. Double démenti : la standing ovation finale n'est pas volée, et Chéreau se garde bien de faire du Chéreau. Il arrive même à une sorte d'ascèse : plus d'effets, rien que le sens et la lisibilité de l'action. " Si j'ai une qualité, dit-il, c'est de savoir lire un texte. " Même qualité chez Salonen, qui lit à livre ouvert entre les lignes compactes de la partition et fait sonner l'Orchestre de Paris comme un ensemble de chambre aux dimensions des Atrides. Résultat : l'habituel bloc d'hystérie éclate en mille diamants. Quelques flashes : les servantes s'affairant au son d'un balai sur les marches de pierre, avant que ne claque le premier accord, Clytemnestre (Waltraud Meier, très belle, pas du tout mégère fardée) revivant ses cauchemars en caressant la tête d'Elektra (Evelyn Herlitzius, juvénile, vocalement ahurissante), Oreste (Mikhail Petrenko, Monsieur Tout le Monde investi d'un destin tragique) et son précepteur (Franz Mazura, chanteur " chéreauien " historique) apparaissant tels les Inconnus dans la maison, Elektra hagarde, privée de son désir de vengeance, tandis que se répète le thème d'Agamemnon. Elektra, " son analogie et son opposition à Hamlet, " pointait Hugo von Hofmannsthal écrivant la pièce que Strauss allait mettre en musique. Et tant d'autres choses, si souvent noyées dans le bruit et la fureur...

François Lafon


Festival d'Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 10, 13, 16, 19, 22 juillet. En direct sur Radio Classique le 13 et Arte Live Web le 19 Photo © Pascal Victor/Artcomart

lundi 8 juillet 2013 à 10h22

Au Châtelet, première en France de la Banda Sinfonica Juvenil Simon Bolivar, sœur cadette de l’Orchestre Symphonique de Gustavo Dudamel et tête de pont bis du Sistema vénézuélien (400 000 jeunes de toute l’Amérique latine, des centaines d’orchestres, chorales, jazz-bands et harmonies). Cent-vingt bois, cuivres, percussions, violoncelles et contrebasses dirigés par Sergio Rosales - vingt-quatre ans et une technique phénoménale, produit-type de cet impressionnant ascenseur social. Atmosphère de fête, chorégraphie d’instruments en folie et lancers de blousons aux couleurs du Vénézuéla pendant les bis, selon la tradition maison. Mais avant cela, concert sérieux, et des leçons à méditer. Extreme MakeOver de Johan de Meij (auteur de la Symphonie « Seigneur des Anneaux ») et la 3ème Symphonie "Circus Maximus" de John Corigliano (disciple de Leonard Bernstein, adulé aux USA) sonnent cross-over aux oreilles européennes, mais renvoient dos à dos néo- et avant-gardistes. Même remarque pour la Rhapsodie for Talents, hymne jazzy de circonstance commandé à Giancarlo Castro D’Addona par Buffet Group, pourvoyeur français du Sistema en instruments haut de gamme, et que la Banda bisse avec entrain. La maturité et l’introspection viendront plus tard, à l’exemple de Dudamel (voir ici).

François Lafon

Tournée en Belgique, Suisse, Hollande, Espagne, jusqu’au 21 juillet.

Aux Docks, beaubourienne Cité de la mode et du design entre la Seine et la gare d’Austerlitz, Valentina Lisitsa joue sur un des quarante-huit pianos droits décorés par des artistes contemporains et installés dans divers lieux publics, selon la formule anglaise Play Me, I’m Yours (Jouez-moi, je suis à vous). Hier, elle jouait l’ « Appassionata » de Beethoven en peine rue, dimanche elle sera sur les marches du Sacré-Cœur. La Reine de la Toile (voir ici) fait à sa manière la promotion des quatre Concertos de Rachmaninov, son premier album chez Universal. Toutes ses interventions seront bien sûr en ligne, prêtes à êtres dégustées par ses 77 000 abonnés. Haute voltige (Liszt) et introspection (Chopin) dans les conditions les plus improbables : un paradoxe qui fait le succès de cette Ukrainienne à la technique phénoménale et à la concentration hors du commun, voire une démonstration par l’absurde de la provocation que représente la musique savante dans le monde contemporain. Une provocation qui atteint des sommets quand une touche reste dans la main de l’artiste, qui la dépose délicatement sur le bord de son tabouret sans interrompre les folies digitales d’une Rhapsodie hongroise de Liszt.

François Lafon

Play Me, I’m Yours, jusqu’au 8 juillet - Valentina Lisitsa : mini-récitals 6 juillet (19h) place des Abbesses et 7 juillet sur les escaliers du Sacré-Cœur.

 

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