Vendredi 26 avril 2024
Concerts & dépendances
Quatrième et ultime journée du Festival de Pentecôte dédié à l’esthétique du premier romantisme français à l’Orangerie du Château de Bois-Préau, avec un invité surprise au sein des formations de chambre, le hautbois, dont la facture instrumentale se développe à la fin du XVIIIe siècle. Autour du Quatuor en fa majeur K. 370 de Mozart, dédié justement à son ami le hautboiste Friedrich Ram, Neven Lesage, fidèle musicien des Arts Florissants et de Gli Incogniti, s’est associé au violoniste Louis Créac’h, à l’altiste Camille Rancière et au violoncelliste Gauthier Broutin, pour le « Projet Inefabula » centré sur ce répertoire méconnu avec hautbois soliste – qui fut très en vogue auprès d’un public friand de sa ligne plus spécifiquement vocale inspirée de l’opéra et de la romance. Familier de Malmaison – ses œuvres font partie de la Bibliothèque de Joséphine de Beauharnais –, le hautboiste, compositeur et éditeur Charles Bochsa « père » (1750-1821), originaire de Bohème, doit sa redécouverte à Neven Lesage qui a réalisé une première édition grâce à la BNF. Un style vif et alerte, perceptible dans le 3ème Quatuor Concertant en do majeur comme dans le Thème et variations « Les plus jolis mots » d’après une romance de Henri-Noël Gilles, aux tonalités pastorales. Quant au Trio à cordes op. 2 n° 3 de Jadin, dédié au violoniste Rodolphe Kreutzer en 1797, sa gravité, d’une lenteur apollinienne, offrait un contraste bienvenu au reste du programme, d’autant plus dans l’interprétation profonde de Projet Inefabula.
À 18h30, le concert de clôture retrouvait l’instrument fétiche du festival, le piano carré Erard de 1806, joyau de la collection de La Nouvelle Athènes, sous les doigts d’Olga Pashchenko. L’ancienne étudiante du pianoforte et moderne d’Alexei Lubimov (Conservatoire de Moscou) avait imaginé un récital dévolu à son instrument, entre les partitions de Dussek, favori de Marie-Antoinette pour qui le facteur Sébastien Erard conçut son piano carré en 1787, Louis Adam (1758-1848) et Beethoven, dont les innovations techniques d’un piano à queue de concert Erard de 1803 lui inspirèrent la Sonate Walstein op. 53. L’interprète n’a pas sa pareille pour détailler les notes tout en propulsant le rythme dans Dussek (Sonate op. 35 n° 2 et Mort de Marie-Antoinette op. 23) ou pour faire sonner l’instrument grâce aux quatre pédales exploitées par Adam dans la Pastorale en do mineur, extraite de sa Méthode de piano du Conservatoire de 1804. Une richesse sonore magnifiée par Beethoven dans sa Sonate n° 21 Waldstein, et vivifiée par Olga Pashchenko qui fait respirer et chanter l’Erard dans un éblouissement total. Rendez-vous l’an prochain, à coup sûr !
Franck Mallet     
 
Orangerie du Château de Bois-Préau, Parc de Malmaison, lundi 29 mai 2023 (Photo : Olga Pashchenko (piano)© DR)
 
Hauts lieux de divertissement pour l’impératrice Joséphine et Napoléon Bonaparte sous le Premier empire, le Château de Malmaison, ainsi que celui de Bois-Préau, racheté sous le Second Empire par la famille Rodrigues-Enriques, retrouvaient une partie de leur lustre musical d’antan grâce aux efforts conjoints d’Elisabeth Claude, leur Conservatrice, associée à Sylvie Brély, Présidente de La Nouvelle Athènes – Centre des pianos romantiques, à l’occasion de la première édition du Festival de Pentecôte dédié à l’esthétique du premier romantisme français. Si l’Histoire a retenu avec raison la figure de Beethoven, il s’agissait de redécouvrir, et même plus simplement de s’ouvrir, à celles, oubliées, de Devienne, Hortense de Beauharnais, Duport, Hérold, Garat, Wély, Jadin, Dussek, Grétry ou Adam, frottées au chant italien de Paisiello et Spontini.
La 3e journée débutait l’après-midi sur quatre quatuors à cordes de la fin du XVIIIe siècle par les excellents instrumentistes de l’Ensemble Infermi d’Amore, tous formés récemment par Amandine Beyer à la Schola Cantorum Basiliensis de Bâle. Certes, le soleil dardait à travers les baies vitrées de l’Orangerie et il n’était pas facile de garder l’accord sur des instruments aux cordes si sensibles aux températures, mais le style délicat et chantant du Quatuor op. 1 n° 3 de Jadin trouvait là des interprètes totalement passionnés. Avec Boccherini (Quatuor à cordes op. 2 n° 6), le jeu s’intensifie et se colore, avant le Quatuor op. 34 n° 1 de Pierre Baillot (1771-1842), vraie découverte aux accents plus dramatiques, avec les ritournelles « À l’Espagnole » de son « Menuetto ». Le Quatuor en sol mineur de Viotti offrait une conclusion brillante à ce récital.
Le second concert de 18h30 proposait un panorama éloquent des concerts donnés une fois par semaine dans son salon par Joséphine, concocté par Coline Dutilleul (mezzo-soprano), Aline Zylberajch sur piano Erard (celui de 1806 restauré par Christopher Clarke pour La Nouvelle Athènes) et Pernelle Marzotti (harpe Erard). Entre pièces solistes de Mehul, Paisiello, Pleyel et Nadermann (Sonate en do mineur pour harpe) et mélodies de Hortense, la fille de Joséphine (extraites des « 12 Romances »), airs d’opéras de Paisiello (Zingari in Fiera et Nina), Méhul (Ariodante transcrit par Jadin) auxquels s’ajoutaient des romances de Pierre-Jean Garat (Il était là) et Jadin (La mort de Werther), un air du Huron, opéra-comique de Grétry et la langueur sublime d’O nume tutelar, air tiré de La Vestale de Spontini (bien vu, Coline Dutilleul !), les interprètes révélaient tout le charme et l’attrait de ces œuvres à la fois joyeuses, tendres et ardentes. La Bibliothèque de Malmaison recèle encore bien des secrets – plusieurs opéras y furent créés avant Paris – et des partitions d’Hortense de Beauharnais y dorment encore.         
Franck Mallet

Orangerie du Château de Bois-Préau, Parc de Malmaison, 15h & 18h30, dimanche 28 mai 2023
(Photo : Coline Dutilleul © DR)
 
A l’Opéra de Paris-Garnier : Ariodante de Handel mis en scène par Robert Carsen. Jeu de piste maison : En 1999, Carsen monte in loco le très connu Alcina, deuxième création de Handel au tout nouveau Covent Garden de Londres (1735) après… Ariodante. Gros succès largement discuté (l’île enchantée devenue salon après orgie), spectacle plusieurs fois repris. En 2001, Ariodante fait son entrée à Garnier porté par le tandem Anne Sofie von Otter – Marc Minkowski, sur la foi de leur enregistrement très réussi de l’ouvrage (Archiv). Mais Von Otter en méforme ne passe pas la rampe et Jorge Lavelli rate sa mise en scène. Vingt-deux ans après, la revanche… perturbée pour les premières représentations par la grève du personnel maison ! Du longtemps oublié et tard redécouvert des deux opéras, drame psychologique tiré de l’Orlando Furioso de L’Arioste, sans féérie et à l’intrigue moins alambiquée que la plupart des livrets d’opera seria, Carsen accentue le contexte politique voire psychanalytique et le transpose dans un aujourd’hui où chaînes d’actualité et réseaux sociaux ne laissent rien ignorer des faits, gestes et même pensées des grands de ce monde. De l’aventure du noble Ariodante auquel le méchant Polinesso va tenter de voler sa fiancée - annonçant l’opéra romantique avec faux suicide et vraie folie -, il fait une plongée dans les coulisses d’une cour d’Ecosse (on ne saurait être plus d’actualité) où les smartphones remplacent les poignards, sombre histoire sur laquelle la succession des arias handeliens est censée agir à la fois comme un baume et un révélateur. Or les voix et les personnalités restent assez discrètes - la belle et bien-chantante Emily d’Angelo (Ariodante) en tête -, la scène ne s’embrasant vraiment que lorsque le formidable contre-ténor Christophe Dumeaux (Polinesso) vient jeter du vitriol sur ce monde de faux-semblants. Le spécialiste Harry Bicket à la tête d’un English Concert pas toujours très melliflue mise davantage, il est vrai, sur la sécurité que sur le panache dans cette suite ininterrompue de sauts de l’ange vocaux. 
François Lafon
Opéra National de Paris - Palais Garnier, jusqu’au 20 mai - En direct le 11 mai  sur la plateforme de l’Opéra national de Paris : Paris Opera Play - En différé le 27 mai sur France Musique à 20h (Photo © Agathe Poupeney / OnP)


lundi 1 mai 2023 à 15h21
Le décor tout d’abord (Barbara Hanicka) : un immeuble populaire dont la partie gauche est sans façade, laissant vue sur une chambre minimaliste, une salle de bain et des W.C, proches du délabrement, bien sûr. La scénographe (Barbara Wysocka) nous réserve quelques hardiesses, nommons-les ainsi, comme jeter la clé du jardin interdit dans les toilettes (qui ne sont donc là que pour cela) plutôt que dans la Volga, ou faire pleuvoir quand Katia s’écrie tak krásné ! (« que c’est beau ! »). La crainte d’excéder dans la poésie pourtant prégnante de l’œuvre de Janacek habite aussi Benedict Zehm pour les lumières (ce sera plein néons la plupart du temps) et Elena Schwarz pour la direction d’orchestre. Sa consigne est de jouer fort, ce dont, grâce à son talent, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon se déjoue avec élégance. Ces bémols importent peu, finalement, car l’exceptionnel est du côté du casting, exceptionnel en effet par sa qualité et par sa cohérence. Le jeu de Corinne Winters (Katia) entraine toute la troupe : pas un interprète qui ne dénote à ce niveau d’excellence ; et les spectateurs aussi, conquis par un tel abattage, une telle sensibilité à fleur de peau, qui justifient leurs applaudissements particulièrement nourris. 
Albéric Lagier
 
Opéra National de Lyon les 28 avril, 2, 4, 7, 9, 11 et 13 mai
(Photo © DR Opéra National de Lyon)

 

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