Mercredi 11 décembre 2024
Concerts & dépendances
mardi 13 octobre 2020 à 23h55
Trop courte escale (quatre représentations) au théâtre de l’Athénée (après Compiègne et … La Nouvelle Eve à Paris) de Normandie, « musical transatlantique » de Paul Misraki (musique), Henri Decoin (scénario) et André Hornez (lyrics), heureuse (re)trouvaille de l’excellente compagnie Les Frivolités Parisiennes. Une opérette embarquant en 1936 le public ravi des Bouffes Parisiens sur le plus luxueux paquebot de l’époque récemment mis à flot et que l’on pensait (à tort) promis à une longue carrière (réquisitionné en 1942 par les Etats-Unis, il ira à la casse après avoir brûlé). Salle masquée mais tout aussi ravie ce soir, savourant ce moment de bonheur dans un monde tout aussi incertain, intrigue d’opérette rebattue (les pères sont riches, lourdauds et américains, les prétendants français, débrouillards et sans le sou) mais truffée de sous-texte et de non-dit, se parant de troublants pré-échos quand vient la morale de l’histoire : « Ca vaut mieux que d’attraper la scarlatine », chanson chorale pas si innocente immortalisé en son temps par Ray Ventura et ses Collégiens. D’une danse sur un volcan à une autre, le metteur Christophe Mirambeau s’est bien gardé de souligner le parallèle, s’en tenant à la charte des Frivolités (pas si loin de celle des baroqueux) : retrouver le ton et le son de l’époque, et en tirer les conclusions que l’on voudra. La troupe et l’orchestre sont montés sur ressorts, et le spectacle tout entier - savoureuses vidéos animées « alla Sempé » de la scénographe Casilda Desazars comprises - épouse à merveille le rythme franco (Messager n’est pas loin) – américain de la musique de Misraki. Par les temps qui courent, cela vaut le plus vitaminé des régimes.
François Lafon 

Théâtre de l’Athénée Louis-Jouvet, jusqu’au 16 octobre

jeudi 1 octobre 2020 à 20h48
Quel étrange Traumgörge, troisième opéra de Zemlinsky, qu’aurait dû diriger Mahler, son commanditaire, à Vienne, en octobre 1907, si ce dernier n’avait quitté son poste quelques mois plus tôt. Créé tardivement, à Nuremberg, en 1980, l’ouvrage connaît un certain succès, suivi d’un premier enregistrement dirigé par Gerd Albrecht (Capriccio). À Nancy, on apprécie Zemlinsky au point que ces dernières saisons virent à l’affiche pas moins trois de ses ouvrages : Une Tragédie florentine, le Roi Candaule et Le Nain. Nouvelle surprise avec en ouverture de saison ce Görge le rêveur dont l’Opéra assurait la création française. Proche de Schoenberg et professeur de Korngold,  le compositeur fut marqué autant par Richard Strauss que par Mahler. À trente-cinq ans, il commence par une sorte de conversation en musique dans l’esprit de Strauss : sonorités raffinées et élégance du chant – excellemment préservés dans cette réduction pour une vingtaine d’instrumentistes – covid oblige – par Jan-Benjamin Homolka, auteur également d’une version de chambre du Nain. Görge, c’est un peu Zemlinsky, l’artiste rejeté par la société qui choisit, guidé par une princesse, de vivre dans un royaume enchanté où il trouvera Gertraud, l’âme sœur. Dans l’épilogue, le voici de retour dans son village natal… mais cette fois apprécié de tous. Voix puissante, forçant systématiquement les aigus – ça s’arrange un peu au 2e acte –, le ténor Daniel Brenna wagnérise outre mesure son personnage de Görge. En revanche, le reste de la distribution se coule dans le langage tout en nuance du compositeur, en particulier le double rôle de la Princesse / Gertraud de la soprano Helena Juntunen, déjà appréciée à Nancy – entre autres dans la Marietta de La Ville morte de Korngold (2010 et 2015) et Donna Clara, du Nain du même Zemlinsky (2013). C’est elle la vraie vedette de l’opéra, bien entourée par le reste des chanteurs. Moins empourpré et plus retenu que le postromantisme de son élève Korngold (Violanta, La Ville morte…), le style de Zemlinsky nécessite à la fois une transparence et des couleurs en demi-teintes, mais aussi des coups de griffe pour évoquer la souffrance existentielle des personnages. Un fantastique mahlérien que restitue avec panache la chef d’orchestre hongroise Marta Gardolinska, tandis que le metteur scène Laurent Delvert parvient à suggérer la violence sous-jacente du conte avec ses aubes irréelles, ses êtres mystérieux et ses feux démoniaques. Un spectacle à revoir le mois suivant à Dijon, coproducteur.    
                                                                      Franck Mallet

Prochaines représentations : 2, 4 et 6 octobre, Opéra national de Lorraine, Nancy ; 16, 18 et 20 novembre, Opéra de Dijon.

Photo : Görge le rêveur@Jean-Louis Fernandez
 

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