Mardi 19 mars 2024
Concerts & dépendances
mardi 30 avril 2013 à 18h44

L’Aiglon, « grand opéra » en cinq actes relativement bref (une heure et demie), a été créé à l’Opéra de Monte Carlo le 11 mars 1937. Le livret de Henri Caïn est une adaptation - un habile montage des vers - de la pièce en six actes d’Edmond Rostand (1900) relatant d’un ton parfois cocardier la destinée tragique à Vienne du duc de Reichstadt, fils de Napoléon. La musique provient de deux compositeurs différents, sans qu’il y ait vraiment rupture de style : Jacques Ibert (actes I et V) et Arthur Honegger (actes II à IV), liés d’amitié depuis leurs études au Conservatoire. L’Opéra de Lausanne vient de reprendre une production de celui de Marseille (2004), avec des décors (Christian Fenouillat), des costumes (Agostino Cavalca) et une mise en scène (Renée Auphan) efficaces, ne cherchant pas midi à quatorze heures : on se trouve sans conteste dans un salon et dans le parc de Schönbrunn, non sans les inévitables rythmes de valse, puis dans la plaine de Wagram et enfin dans une chambre mortuaire. Les deux moments les plus forts de la partition, la destruction morale du duc par le chancelier autrichien Metternich (fin de l’acte II) et l’évocation hallucinée, au son de la Marseillaise et du Chant de départ, de la bataille de Wagram (fin du IV), ont reçu tout leur dû. Les personnages sont au nombre de onze, moins que dans la pièce. Carine Séchaye, originaire de Genève, chantait le duc (l’Aiglon), rôle créé par Sarah Bernhardt, et Marc Barrard le vieux grognard Flambeau. Ibert et Honegger voulaient une œuvre au langage direct, « simple, facile à interpréter, accessible à tous ». Pari tenu, à en juger par la réaction de la salle. L’Aiglon visait le « grand public » de 1937 : l’ouvrage parle aussi à celui d’aujourd’hui.

Marc Vignal

Opéra de Lausanne, 28 avril 2013 Photo © Marc Vannapelghem

dimanche 21 avril 2013 à 01h05

Au théâtre de l’Athénée, Blanche Neige de Marius Felix Lange par L’Opéra Studio de l’Opéra National du Rhin. Le contraire de Hänsel et Gretel au Palais Garnier (voir ici), où la metteur en scène Mariame Clément passe le conte des frères Grimm revu par Humperdinck au sérum de vérité (?) de la psychanalyse. Ici, Lange (livret et musique) et le metteur en scène Waut Koeken s’en tiennent à la lettre du conte des mêmes Grimm, tout en maniant un second degré propice à la réflexion : jeux de miroirs très réussis (« Dis-moi si je suis la plus belle… »), costumes de music-hall, sept Nains pas nains du tout (et vexés qu’on le leur fasse remarquer). Les enfants sont ravis, les parents sourient finement. Le bonheur serait parfait si la musique de Lange, plutôt enlevée, bien chantée, bien dirigée par Vincent Monteil à la tête de l’Orchestre Lamoureux en formation réduite, ne drainait une bonne partie des poncifs hérités du théâtre musical des années 1970. Mais cela ne gênera que ceux qui ont connu cette époque aussi ancienne que les contes de fées. 

François Lafon

Théâtre de l’Athénée, Paris, jusqu’au 26 avril. Livre illustré pour les enfants : www.operanationaldurhin.eu

Photo © Alain Kaiser - Opéra National du Rhin

A l’Auditorium du Louvre, soirée de Lieder par l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, en parallèle avec l’exposition De l’Allemagne 1800-1839. S’ouvrant sur Olympia de Leni Riefennstahl et se refermant sur L’Enfer des oiseaux de Max Beckmann, l’exposition est accusée de mettre l’accent sur la part d’ombre (élément de langage à la mode) de la culture allemande. Schubert, Schumann, Loewe et Wolf, mais aussi Kurt Weill et Richard Strauss sont-ils passibles du même reproche ? A écouter les versions Schubert et Loewe du Roi des Aulnes de Goethe (génialement détourné par Michel Tournier dans un roman qui a fait scandale), on se pose la question. On se la pose aussi, mais différemment, lorsque se succèdent Es regnet (Il pleut) de Weill sur un texte de Cocteau et Im Abendrot, dernier des Quatre derniers Lieder de Strauss : désespoir avant la catastrophe, apaisement après. Exercice à haut risque pour sept chanteurs et quatre pianistes de la promotion 2013 de l’Atelier. Les barytons Tiago Matos et Michal Partyka, la basse Andriy Gnatiuk réussissent le saut de l’ange en faisant vivre les mots autant que les notes. Mais comment résister à la voix somptueuse de la soprano Andreea Soare chantant Strauss ?

François Lafon

Exposition De l’Allemagne (1800-1839), de Friedrich à Beckmann. Musée du Louvre, jusqu’au 24 juin Photo © DR

Au Châtelet, Sunday in the park with George, troisième volet du cycle Stephen Sondheim après A little night music (voir ici) et Sweeney Todd (voir ici). Même metteur en scène (Lee Blakeley), même chef (David Charles Abell) et le Philharmonique de Radio France dans la fosse. Sujet : la création. Quand le rideau se lève sur le premier acte : écran blanc, apparition du peintre néo-impressionniste Georges Seurat (1859-1891). Quand il tombe, le tableau Un dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte (maintenant à l’Art Institute de Chicago) est terminé. Contre-sujets : la vanité humaine, le lien entre les générations, le Carpe diem selon Horace, illustrés au second acte (beaucoup plus lourdement) par les affres dans lesquels se débat l’arrière-petit fils du peintre, artiste américain et conceptuel. On comprend qu’avant de devenir le patriarche du musical made in Broadway, Sondheim ait été considéré comme un dangereux intellectuel. Rien que sa façon de mêler le parlé et le chanté a de quoi donner la migraine aux fans de La Mélodie du bonheur. Distribution de spécialistes, luxueuse mise en images (le sujet d’y prête) du décorateur et vidéaste anglais William Dudley. Standing ovation au rideau final pour Sondheim, qui partage avec Woody Allen la particularité d’avoir trouvé en France le public de ses rêves.

François Lafon

Photo © Théâtre du Châtelet

lundi 15 avril 2013 à 00h13

Première à l’Opéra de Paris (Garnier) de Hänsel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, cent-vingt ans après sa création. En Allemagne et dans les pays anglo-saxons, cet « opéra-conte » inspiré des frères Grimm est traditionnellement donné à Noël pour un public d’enfants. Pas ici. C’est d’ailleurs aux adultes que s’adresse la mise en scène très mode de Mariame Clément. Plus de pauvre masure, plus de forêt profonde, plus de maison de pain d’épices, mais un appartement bourgeois 1900 vu en double, ou en miroir, lieu de vie vraie et univers fantasmatique : Humperdinck, wagnérien militant et assistant du maître à la création de Parsifal, avait intitulé « Festival scénique sacré pour chambre d’enfants » un premier état de son opéra. Le procédé fonctionne assez bien : vrais enfants vs chanteurs-adultes, Sorcière vs mère redoutée, Petit Bonhomme Rosée en costume Disneyland vs amie de la famille en Marchand de sable, etc. Le chef Claus Peter Flor canalise autant qu’il le peut les tempêtes wagnéro-straussiennes (c’est Strauss qui a dirigé la première à Weimar) et les chanteurs sont impeccables, à commencer par Anja Silja (73 ans), à bout de voix mais grandiose en Sorcière-meneuse de revue. Sifflets insistants au rideau final : tout cela manque de féérie. Comme si, trente-sept ans après Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées - 1976) la question n’était pas résolue.

François Lafon

Opéra National de Paris – Garnier, jusqu’au 6 mai. Diffusion en direct le 22 avril dans des salles UGC et des cinémas du monde entier. Photo © Opéra de Paris

mercredi 10 avril 2013 à 09h53

Créé à Eszterháza en 1779, L’isola disabitata (L’île déserte) occupe une place spéciale parmi les opéras de Haydn : quatre personnages seulement (deux couples), durée sans entracte d’une heure et demie, livret mi-sérieux mi-comique et chargé de symboles dû au célèbre Métastase, récitatifs accompagnés uniquement par l’orchestre, jamais par le seul clavecin ou pianoforte. Cet ouvrage peu mozartien - mais oui ! - est donc assez souvent monté, ni trop long ni trop court pour des soirées en famille en des lieux divers, et surtout idéal pour les atelier lyriques, d’autant que ses difficultés vocales et instrumentales sont grandes. L’atelier lyrique de l’Opéra national de Paris s’est donc penché sur L’isola disabitata, ce qui avait déjà été le cas en 2005. Dans la brochure de programme, un plaisant résumé de l’action en bande dessinée, et dans la scène finale, au lieu de quitter enfin l’île, les protagonistes se transforment en touristes passant du bon temps sur une plage, un peu au détriment de la musique il est vrai. Pour le reste, la mise en scène de Dominique Pitoiset et Stephen Taylor se distingue par sa sobriété, et des quatre chanteurs-acteurs se détachent les deux dames, Anna Pennisi en émouvante Costanza et Armelle Khourdoïan en espiègle Silvia. Dirigé par Inaki Encine Oyón, l’Orchestre Atelier-Ostinato s’est essentiellement distingué dans les épisodes expressifs des récitatifs. On peut critiquer ceci ou cela, mais on est toujours heureux de retrouver L’isola disabitata.

Marc Vignal

La Ferme du Buisson, 6 avril Photo © DR

dimanche 7 avril 2013 à 00h36

A la Grande Halle de La Villette, Stravinsky en mode hip-hop avec l’orchestre sur instruments d'époque Les Siècles (direction François-Xavier Roth), la compagnie Melting Spot (direction Farid Berki) et un « corps de ballet » d’une quarantaine de jeunes issus du nord-est francilien. Public ravi : parents, amis, professeurs, responsables d’associations. Attention extrême (enfants compris) pour Petrouchka (pourtant sans danseurs), le Scherzo Fantastique (trois hip-hopeurs burlesques alla Jacques Tati) et Le Sacre du printemps (toute la troupe). Dans cet espace impressionnant à l’acoustique étonnement claire en dépit de l'amplificaiton du son, Roth et Les Siècles, pourtant réputés pour leur punch et leur faculté d’adaptation à tous les styles et toutes les situations, marchent sur des œufs dans Petrouchka et en cassent quelques-uns dans Le Sacre. Comme la chorégraphie oscille entre la cour d’école et un West Side Story relooké, la fête orgiaque prend des allures de fête de fin d’année, ce qui rend l’atmosphère plutôt sympathique. Pour les ados danseurs, c’est une victoire (hurlements de joie derrière le rideau); pour l’orchestre, un peu moins. Le Sacre, « musique sauvage avec tout le confort moderne » (Debussy) a besoin d’une autre précision pour éveiller le grand désordre salvateur.

François Lafon

Cité de la Musique, cycle Schönberg/Stravinsky. Stravinsky en mode hip-hop, les 6 et 7 avril Photo © Compagnie Melting Pot

samedi 6 avril 2013 à 00h36

A l’Auditorium du Louvre dans la série "Clip & clap, une exploration de la musique en images" : l’improvisation. Deux animateurs, trois membres de l’Orchestre National de Jazz, et de nombreux documents filmés. Donnée de départ, le mépris de Pierre Boulez envers l’improvisation, qu’il juge primaire, en-deçà de l’acte de création. Témoins (pas toujours volontaires) de la défense : Georges Cziffra, Ella Fitzgerald, Led Zeppelin, le violoniste Gilles Apap, les rappeurs Supernatural et Craig G et quelques autres, parmi lesquels Charlie Chaplin improvisant sur « Je cherche après Titine » dans Les Temps modernes, Miles Davis accompagnant Jean Moreau dans Ascenseur pour l’échafaud, et le free-jazzeur Cecil Taylor mettant KO Boulez lui-même en direct sur TF1. Public très jeune mêlé d’institutionnels (Christiane Taubira partant précipitamment en cours de séance), sage, presque studieux, entre conférence au musée et soirée thématique sur Arte. Un peu plus que cela en réalité, grâce au présentateur Clément Lebrun, qui donne à la salle une leçon-minute soundpainting (langage musical par gestes, Woodstock 1974) et aux trois jazzmen improvisant sur une course-poursuite tirée du court métrage de Carl Theodor Dreyer Ils attrapèrent le bac (1948). Prochaine séance Clip & Clap (en décembre) : Rire en musique, rire de la musique. Un sujet plus sérieux qu’il n’en a l’air.

François Lafon

www.louvre.fr/musiques Photos © DR

vendredi 5 avril 2013 à 00h34

A Pleyel, cast français pour programme franco-allemand avec l’Orchestre de Paris. Bonne idée que de mettre en regard la sombre Ouverture tragique de Brahms et la Symphonie de César Franck, longtemps accusée d’être trop germanique. Bonne idée aussi que de confronter ces deux œuvres de poids au tout léger Concerto pour deux pianos en mi majeur, composé par Mendelssohn à quatorze ans. Bonne idée enfin que de faire jouer ce Concerto par Bertrand Chamayou et Jean-Frédéric Neuburger, deux poids lourds au toucher léger du jeune piano français. Le chef Louis Langrée, dont le nom désormais pèse son poids sur la scène internationale, fait rutiler l’orchestre de tous ses ors. Lourd ? Non, charnu, s’appuyant sur des basses solides et sculptant dans la masse des figures d’une exceptionnelle légèreté, comme il l’avait fait  il y a deux ans dans un Pelléas et Mélisande d’anthologie avec le même orchestre (voir ici). Français, en somme, au meilleur sens du terme.

François Lafon

Photo © DR

 

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