Mardi 19 mars 2024
Concerts & dépendances
vendredi 30 septembre 2016 à 00h11

A l’auditorium du Musée d’Orsay, parallèlement à l’exposition Spectaculaire Second Empire, Un dîner avec Jacques, opéra-bouffe d’après Offenbach, co-production avec l’Opéra-Comique dans le cadre de ses « Folies Favart » hors les murs. En treize salles et onze étapes (« Comédie du pouvoir », « Portraits d’une société », « Nouveaux loisirs, nouvelle peinture », …), l’exposition, remarquablement pensée et richement documentée, s’attache davantage aux stratégies politico-culturelles de cette époque à laquelle on compare (trop ?) souvent la nôtre qu’elle n’en pointe la face sombre. A l’entrée et à la sortie, deux tableaux – les Tuileries incendiées après la Commune et l’impératrice Eugénie exilée en Angleterre avec le Prince impérial – suffisent à isoler ces deux décennies de danse sur un volcan. La tempête sous un crâne grisé au champagne, on l’attendait du spectacle, dont Gilles Rico, son concepteur et metteur en scène, annonçait « un festin donnant lieu à toutes sortes de jeux érotiques, à des dérives anthropophages ». Il avait le choix, du « Trio du jambon de Bayonne » (Tromb-Al-Casar) à « Ô la plus charmante des chattes » (La Chatte métamorphosée en femme) et à « La mort m’apparaît souriante » (Orphée aux Enfers). Mais la trame en est lâche et l’humour laborieux, laissant aux chanteurs-acteurs, triés sur le volet (Yann Beuron, Jean-Sébastien Bou, Antoinette Dennefeld) et alertement dirigés par l’éclectique Julien Leroy - ex- de … l’Ensemble Intercontemporain cette fois à la tête des très spécialisées Frivolités Parisiennes -, seuls avec ces petites bombes musicales dont l’impertinence, elle, n’a rien perdu de sa charge détonante.

François Lafon

Un Dîner avec Jacques, Auditorium, jusqu’au 9 octobre (en partenariat avec le Théâtre impérial de Compiègne et le Théâtre de Bastia) - Exposition Spectaculaire Second Empire, jusqu’au 15 janvier 2017. Musée d’Orsay, Paris. www.musee-orsay.fr Photo © DR

dimanche 25 septembre 2016 à 01h00

"Fantastic party" : après le festival Berlioz (voir ici) et l’enregistrement audio (voir là), troisième audition, à l’occasion de la réouverture du théâtre de l’Athénée après une année de travaux, de la Symphonie fantastique « librement adaptée » par Arthur Lavandier pour l’ensemble Le Balcon. Foule sur le floor (parterre débarrassé de ses sièges), joie générale quand le "Bal" devient jazzy, quand l’Académie de musique de rue « Tonton a faim » déchaîne la "Marche au supplice", quand le "Songe d’une nuit du Sabbat" tourne au délire. Ecoute différente encore dans ce théâtre à l’italienne, où les effets acoustiques semblent faire éclater les murs. L’humour, le côté potache sont surexposés, reçus 5/5 par un public-maison ravi de retrouver ce lieu historique (le théâtre de Louis Jouvet) dont le directeur Patrice Martinet a fait un palais de la surprise permanente, bonne le plus souvent, tous genres scéniques représentés et de plus en plus musicale avec Maxime Pascal et le Balcon, ses résidents réguliers. Fête en after : jazz au bar, jeu de quizz sur scène, grenier techno, Brèves volantes de Jacques Rebotier, Paroles et Musiques de Morton Feldman enregistré in loco la saison dernière, tournage d’un clip « Symphonie fantastique ». Dimanche : matinée avec goûter fantastique de la même veine. Admiration au passage de la fosse d’orchestre élargie et automatisée : promesse, encore, de surprises musicales.

François Lafon

athenee-theatre.com Photo © DR

samedi 24 septembre 2016 à 15h46

Né en 1994 à Paris, le violoncelliste Edgar Moreau dispose d’un palmarès brillant et bien rempli : lauréat des Concours Rostropovitch et Tchaikovski, « révélation soliste instrumental » aux Victoires de la musique en 2013, « soliste instrumental » deux ans plus tard, etc. Il vient de jouer avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France le concerto pour violoncelle de Schumann : œuvre tardive (1850) d’un compositeur âgé seulement de quarante ans, mais déjà en proie aux hallucinations et qui se jettera dans le Rhin trois ans plus tard. Le concerto pour violoncelle n’a rien de « l’ardeur frémissante » de celui pour piano, ces deux grands concertos de Schumann, étant sans équivalents dans le deuxième quart du XIXème siècle pour leurs instruments respectifs. Celui pour violoncelle est même unique. Il ne fait aucune concession à la virtuosité, et l’orchestre lui aussi se montre discret, hésitant, sauf parfois dans le dernier de ses trois mouvements enchaînés. Commencer un concert par cette musique d’apparence si réservée peut se révéler risqué, et il est sûr qu’il y a quelques décennies, le programme aurait débuté par une ouverture, de Schumann lui-même, de Mendelssohn ou de Weber. Mais du concerto pour violoncelle, Edgar Moreau et Mikko Franck au pupitre ont su rendre la tension sous-jacente, sachant bien que chez Schumann, le calme soit toujours de surface. Après l’entracte, une flamboyante Première Symphonie de Mahler.

Marc Vignal

Philharmonie de Paris, 23 septembre Photo © Julien Mignot

Aux Bouffes du Nord : Traviata, vous méritez un avenir meilleur, conçu par Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla, respectivement metteur en scène, musicien et interprète principale, mais collectivement tout cela et bien d’autres choses. Le pari était tentant : offrir à une actrice, chanteuse, performeuse (et bien d’autres choses) un rôle emblématique de l’opéra mais aussi du théâtre, en s’appuyant sur l’ouvrage de Verdi et sur ses doubles-fonds que sont le roman et la pièce d’Alexandre Dumas fils, ce dernier mettant en scène sa propre relation avec une courtisane célèbre. Pas d’orchestre ni de chœurs, mais des musiciens-chanteurs-acteurs multitâches, un constant va-et-vient dramatique et linguistique (français pour le théâtre, italien pour le chant), entre vie rêvée et dure réalité, références littéraires et culture populaire, scrupule philologique et anachronisme maîtrisé. On pense aux célèbres décoctions lyriques (Tragédie de Carmen, Impressions de Pelléas, La Flûte enchantée) de Peter Brook sur la même scène, mais aussi à la remise en chantier (une vraie-fausse répétition – voir ici) de l’opéra de Verdi au Festival d’Aix 2006, due à Jean-François Sivadier avec Natalie Dessay. Aucun plagiat formel ni surtout textuel (l’ouvrage à Aix était bien-sûr donné tel quel), mais une façon assez semblable d’aller à la recherche de ce qui, via Verdi, a transmué en mythe un mélo rebattu. Semblable aussi le ballet virtuose de toute la troupe (excellents père – Jérôme Billy – et amant – Damien Bigourdan) autour de Judith Chemla, stupéfiante Violetta Valery/Marguerite Gautier/Marie Duplessis réconciliant tout naturellement les faux jumeaux que sont le théâtre et l’opéra.

François Lafon

Bouffes du Nord, jusqu’au 15 octobre. (France, Suisse, Luxembourg) jusqu’en mars 2017 Photo © Charles Mignon

samedi 17 septembre 2016 à 01h52

Ouverture de saison casse-cou à l’Opéra de Paris : Eliogabalo, dernier ouvrage conservé de Francesco Cavalli (1668). Un portrait d’empereur romain/monstre naissant, sorte de pendant au Couronnement de Poppée de Monteverdi, si ce n’est qu’Héliogabale, cousin de Caracalla, est moins célèbre que Néron, que Cavalli, illustre de son vivant, est encore trop méconnu, et que son Eliogabalo a joué de malchance : librettiste anonyme (c’était peut-être Busenello, auteur du Couronnement), retrait de l’œuvre en cours de répétitions au profit d’une autre, moins ambitieuse, plus à la mode. « Un chef-d’œuvre dérangeant, musicalement somptueux », en dit René Jacobs, artisan de sa redécouverte en 2004. D’où, peut-être, l’idée d’en confier la mise en scène à Thomas Jolly, promu vedette à la suite d’un Henry VI de Shakespeare (16 heures de spectacle) faisant feu de tout bois – armures et t-shirts, éclairages de music-hall et musique rock. La plongée dans l’univers industriel de l’opéra ne lui a pas coupé les ailes. Pas d’actualisation à tout faire, pas de vidéo en temps réel – monnaie (trop) courante actuellement sur les scènes. On retrouve sa manière personnelle, à la fois ambitieuse et bricolée, littérale et sans complexe, mais il peine à faire exploser le cadre, à jongler avec les conventions du genre, à rende sa sulfureuse aura à cet Héliogabale bien éloigné de l’« anarchiste couronné » glorifié par Antonin Artaud. La force du spectacle tient davantage à la direction de Leonardo Garcia Alarcon, habile à défendre le génie théâtral et mélodique de Cavalli, préfigurant - plus que celui, solitaire et inégalé, de Monteverdi -, les trois siècles d’opéra italien qui vont suivre. Dominée par le solide ténor Paul Grove et le contre-ténor Franco Fagioli, qui n’en fait pas trop en despote fou, la distribution est plus homogène dramatiquement que vocalement.

François Lafon

Opéra National de Paris, Palais Garnier, jusqu’au 15 octobre. En direct le 7 octobre sur le site de France Télévision Culture Box. Diffusion ultérieure sur France 2 et France Musique Photo © Agathe Poupeney/OnP

The Indian Queen, second volet, à l’Opéra des Nations – salle éphémère délocalisée du Grand Théâtre de Genève - du doublé Rameau - Purcell par Teodor Currentzis et son ensemble MusicAeterna. Version semi-staged pour ce semi-opéra inachevé, parent pauvre des grands masks purcelliens (The Fairy Queen, King Arthur), reprenant l’adaptation de Peter Sellars créée à Madrid en 2013 : nombreux ajouts musicaux (dont les tubes "O Solitude" et "Music for a while") structurant sans couture visible ce chef-d’œuvre en pointillé, beau commentaire en voix off de l’écrivain nicaraguayen Rosario Aguilar, élargissant l’intrigue initiale (la belle indienne et le conquistador) aux dimensions de l’actuelle réflexion sur le choc des cultures. Nouvelle démonstration surtout du génie de Currentzis à mettre en scène l’orchestre, éclairant l’ensemble comme un tableau de maître, conservant de Sellars la tension dramatique et l’étonnante gestuelle des solistes et des chœurs, créant une sorte de précipité sellarso-currentzisien, réinvention inespérée de ces spectacles qui firent fureur en Angleterre et tombèrent dans l’oubli, où musique et théâtre se mêlaient selon une alchimie à jamais mystérieuse. Trois grandes heures qui passent comme l’éclair entre hédonisme et spiritualité, où le chef, mieux encore à son affaire qu’hier dans Rameau, mène les choristes, instrumentistes et chanteurs (exceptionnels Willard White et Christophe Dumaux) en chaman musicien actuellement à nul autre pareil.

François Lafon

Photo © DR

dimanche 4 septembre 2016 à 00h40

Premier volet, pour le 70ème anniversaire du festival de Montreux-Vevey, du doublé Rameau - Purcell par Teodor Currentzis et son ensemble MusicAeterna : "Rameau, le son et la lumière". Un best of diablement agencé, à voir autant qu’à entendre, de la pénombre (Pièces de clavecin en concert) au plein feu (l'Orage des Indes galantes). Orchestre fourni – comme l’aimait le compositeur – occupant la (trop ?) vaste estrade du non moins vaste Auditorium Stravinski, solistes itinérants, soprano aux allures (pas la voix, hélas !) de la regrettée Lorraine Hunt (la Callas du baroque), violons assis-debout, tous dominés par la silhouette interminable du chef, faune paganinien mimant la musique et déchaînant des tempêtes : Rameau homme de théâtre même quand il n’écrivait pas (encore) pour le théâtre. Public ravi, comme étonné de retrouver la chair fraîche sous la poudre de riz, fasciné par ce chef à la fois rock’n’roll et à l’ancienne, en ce qu’il tire la couverture à lui comme on n’ose plus le faire depuis Mengelberg ou Toscanini. Défaut de leurs qualités : le maestro et ses musiciens (russes, de Perm, ex-Molotov) soulignent et surlignent, décrivent au lieu de suggérer, dessinent une fleur là où - en bon classique - Rameau expérimente l’idée de la fleur appliquée aux sens de l’auditeur. « La musique de Rameau (…) va droit au cœur, de la même façon que le soleil traverse l’espace noir infini de l’univers avant de parvenir à l’œil de l’homme », commente Currentzis. Sans brimer son explosive personnalité, que ne cultive-t-il davantage ce très ramiste jeu d’optique… Second volet du doublé, demain à Genève : The Indian Queen de Purcell.

François Lafon

Festival de musique classique Montreux-Vevey - http://www.septmus.ch/fr Photo © DR

vendredi 2 septembre 2016 à 08h43

Avec en ouverture Les Vêpres de la Vierge de Monteverdi et en clôture la Passion selon saint Jean de Jean-Sébastien Bach ce samedi soir, l’édition 2016 des Rencontres musicales de Vézelay se distinguait particulièrement. Confier ce monument de la littérature sacrée occidentale à des interprètes aussi jeunes aurait pu révéler leurs limites à traduire les nuances d’une partition qui réclame une sérieuse expérience, voire un bagage culturel conséquent et le sens du drame… Une combinatoire sur laquelle ont travaillé pendant plusieurs années d’éminents artisans du renouveau de l’interprétation baroque comme Harnoncourt, John Eliot Gardiner, Philippe Herreweghe et René Jacobs… Mais, pour la jeune génération, il semble que tout aille très vite, en particulier pour des chefs comme Raphaël Pichon (dont le directeur des Rencontres Nicolas Bucher nous a confirmé la venue, au cours de l’été 2017) et Mathieu Romano qui, à la tête de son Ensemble Aedes, fondé il y a dix ans, relevait le défi de cette Saint Jean, à la basilique – avec les instrumentistes de l’Ensemble Les Surprises, cofondé en 2010 par Louis-Noël Bestion de Camboulas, à l’orgue ce soir-là. Du rythme, de l’ampleur et de la compassion : à l’image de l’imprécation si lyrique du premier chœur, « Seigneur, notre souverain », cette Passion selon saint Jean trouve aussitôt ses marques. Tout est dans l’articulation et la cohésion de ces voix d’une limpidité remarquable, écho souverain et bigarré de la « Foule ». Nous vivons la Passion du Christ grâce à l’évangéliste théâtral du ténor portugais Fernando Guimaraes, à la fois emporté et expressif dans les récits, et émouvant dans les arias. Si l’alto Margot Oitzinger manque de présence dans sa première aria (« Pour me délier des liens de mes péchés »), elle se reprend à la suivante « Tout est accompli » célèbre dialogue plein d’humanité avec la viole solo. On admire tout autant le soprano radieux de Rachel Redmond (révélée par Les Arts Florissants de William Christie) dans l’air « Je te suis pareillement » avec sa guirlande de flûte en accompagnement, ou le douloureux « Fonds, mon cœur » couronné du hautbois solo. Autre révélation du Jardin des Voix de Christie, la basse Victor Sicard est un atout supplémentaire pour exprimer la simplicité et la ferveur qui conviennent à cette interprétation – arias « Contemple, mon âme » et « Mon cher sauveur… ». D’ailleurs, en quittant la basilique, le visage recueilli de plusieurs religieuses en habit bleu et blanc (la Fraternité Monastique de Jérusalem, établie à Vézelay depuis 1993), montrait combien mémorable fut pour elles comme pour le public cette interprétation juvénile.

Franck Mallet

Rencontres musicales de Vézelay, 20 août. Photo : de gauche à droite Victor Sicard (baryton), Mathieu Romano (direction), Fernando Guimaraes (ténor) avec les Ensembles Aedes et Surprises. © François Zuidberg

 

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