Ouverture du festival de Montpellier avec Mass de Leonard Bernstein. Une messe de l'époque de Jésus-Christ Superstar et de la guerre du Vietnam, composée pour l'ouverture du Kennedy Center de Washington (1971). Une messe étrange, provocante, mêlant au texte latin des poèmes pas très catholiques et convoquant un orchestre symphonique, des claviers électroniques, des guitares électriques, un célébrant sachant chanter (baryton), danser et soulever les foules, un grand choeur, une maîtrise et une chorale de rue. Un pied de nez officiel à Richard Nixon, alors président (républicain) lequel boycotta l'événement, laissant la place d'honneur à Jackie Kennedy, veuve du dédicataire (démocrate et catholique). Un monstre musical aussi, illustrant la conviction de Bernstein que l'avenir de la musique n'était pas dans l'avant-garde néo-Ecole de Vienne mais dans le mariage du classique et de la pop, du rock et du gospel, du savant et du populaire. Quarante-deux ans plus tard, salle en délire pour Jubilant Sykes (le Célébrant, extraordinaire), pour le chef James Judd, pour les deux-cent cinquante exécutants, pour cette fête musicale imparfaite et inspirée, où l'on brise un calice, où l'on apprend que "la moitié des gens est stoned et l'autre attend les élections", et que " l'heure des gens de pouvoir est venue". Dans un premier état, la musique de Mass devait servir de bande originale au Saint-François d'Assise sulpicien de Franco Zeffirelli (François ou le chemin du soleil - 1972). Les voies du Seigneur... En prélude, une heure avec l'étonnant Imani Winds de New-York, cinq souffleurs virtuoses passant en douceur de Gershwin à Elliott Carter, de Bernstein à la musique Klezmer. Là aussi, nostalgie d'une certaine innocence.
François Lafon