Première, au festival d'Aix-en-Provence, d'Elektra de Richard Strauss dirigé par Esa-Pekka Salonen et mis en scène par Patrice Chéreau. Deux généralités : 1 - Les événements les plus attendus sont souvent les plus décevants - 2 - Les oeuvres qui paraissent le mieux convenir à un interprète sont les plus traîtres. Double démenti : la standing ovation finale n'est pas volée, et Chéreau se garde bien de faire du Chéreau. Il arrive même à une sorte d'ascèse : plus d'effets, rien que le sens et la lisibilité de l'action. " Si j'ai une qualité, dit-il, c'est de savoir lire un texte. " Même qualité chez Salonen, qui lit à livre ouvert entre les lignes compactes de la partition et fait sonner l'Orchestre de Paris comme un ensemble de chambre aux dimensions des Atrides. Résultat : l'habituel bloc d'hystérie éclate en mille diamants. Quelques flashes : les servantes s'affairant au son d'un balai sur les marches de pierre, avant que ne claque le premier accord, Clytemnestre (Waltraud Meier, très belle, pas du tout mégère fardée) revivant ses cauchemars en caressant la tête d'Elektra (Evelyn Herlitzius, juvénile, vocalement ahurissante), Oreste (Mikhail Petrenko, Monsieur Tout le Monde investi d'un destin tragique) et son précepteur (Franz Mazura, chanteur " chéreauien " historique) apparaissant tels les Inconnus dans la maison, Elektra hagarde, privée de son désir de vengeance, tandis que se répète le thème d'Agamemnon. Elektra, " son analogie et son opposition à Hamlet, " pointait Hugo von Hofmannsthal écrivant la pièce que Strauss allait mettre en musique. Et tant d'autres choses, si souvent noyées dans le bruit et la fureur...
François Lafon
Festival d'Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence, 10, 13, 16, 19, 22 juillet. En direct sur Radio Classique le 13 et Arte Live Web le 19 Photo © Pascal Victor/Artcomart