Mercredi 11 décembre 2024
Concerts & dépendances
jeudi 24 novembre 2022 à 10h13
Le Palazzetto Bru Zane produit en cette saison 2022/2023 quatre opéras de Jules Massenet, en commençant par son Hérodiade, qui fit scandale à sa création. A assister à cette version de concert avec l'Orchestre et les Choeurs de l'Opéra de Lyon sous la direction de Daniele Rustioni, on se dit que représenter Massenet en plaçant l’orchestre tout en haut de l’affiche, est un beau service à lui rendre. Le chef, facétieux et comme monté sur des ressorts, rivalise avec l’Amadeus de Milos Forman, il en a d’ailleurs le physique. Il électrise l’orchestre, les chœurs, les interprètes, la salle toute entière. Il pousse la partition dans ses retranchements, qu’il s’agisse des moments les plus exubérants, ou d’autres, plus subtils, comme l’admirable solo de flute du deuxième acte, une merveille qui vaut à lui seul le déplacement. Les voix sont techniquement de grande qualité, jusqu’aux seconds rôles dont la séduisante jeune babylonienne (Giulia Scopelliti), d’une grâce qui frustrera les auditeurs : cinq minutes à peine… Dans les rôles principaux, les six interprètes prennent un plaisir visible à être ensemble - leurs quatuors, quintette et sextuor en témoignent. La Salomé de Nicole Car domine par son autorité naturelle et son élégance, aux côtés d’Etienne Dupuis qui surjoue quelque peu un Hérode mâle alpha mâtiné de politicien roublard, mais finalement arroseur arrosé, et de Jean-François Borras, qui fait de Saint Jean-Baptiste un brave gars vraiment pas chanceux. Mais ces bémols passent face à l’énergie insufflée par Rustioni. Son Hérodiade est un moment à ne pas manquer, d’autant qu’il ne sera pas enregistré, contrairement aux trois autres Massenet du Palazzo Bru Zane (Ariane en janvier à Munich, Werther en février à Budapest Grisélidis en juin et juillet à Montpellier puis à Paris).
Albéric Lagier
 
Auditorium de Lyon le 23 novembre, Théâtre des Champs-Élysées le 25 novembre. Coproduction Opéra de Lyon, Théâtre des Champs-Élysées et Palazzetto Bru Zane (Photo :  © FSD 2017 / Ch. Fillieule)

dimanche 6 novembre 2022 à 01h37
A l’Opéra Comique, première représentation scénique d’Armide de Gluck à Paris depuis… 1913. Une date dans l’histoire du genre lyrique pourtant que ce pari fou du compositeur favori de Marie-Antoinette parant d’une musique nouvelle le livret de Philippe Quinault pour Lully, dont l’Armide, presque un siècle plus tôt, était devenu le mètre-étalon de la tragédie lyrique à la française. Plus encore qu’Orphée, Alceste et Iphigénie en Tauride dont la VF avait conquis Paris, la version Gluck d'Armide - à la fois hommage et adieu au passé - avait de quoi déranger les tenants du style français autant que ceux de l’opéra italien, résurgence de la Querelle des Bouffons devenant, une décennie avant la Révolution, la « Querelle des gluckistes et des Piccinnistes », du nom de Nicolo Piccinni, compositeur napolitain fêté par le parti des italianophiles. Plus d’alternance air-récitatif dans cette Armide, et une culture des affects plus que des postures : il ne s’agissait plus d’admirer, mais de s’émouvoir, faisant descendre les héros de leur piédestal. Le romantisme s’y annonce donc dans le fond, et dans la forme un discours pré-durchkomponiert (texte musical continu). Un bonheur pour Christophe Rousset à la tête de ses Talens Lyriques et du chœur Les Eléments, prompt comme jamais à chasser le moindre temps mort et insufflant à un plateau bien-disant autant que bien-chantant l’ampleur et le galbe de la période gluckiste. Somptueuse en magicienne prise au piège de ses sentiments, Véronique Gens poursuit avec lui le dialogue commencé avec le mémorable triptyque discographique Tragédiennes (Erato - voir ici). Face à elle, Ian Bostridge, seul non-francophone de la distribution, est un peu à la peine, sans rien perdre de son style ni de sa musicalité. Dommage aussi que la metteur en scène Lilo Baur ne soit pas aussi à l’aise dans l’évocation du jardin enchanté peuplé de démons tentateurs que dans l’analyse des sentiments contradictoires (la gloire vs l’amour, Bérénice n’est pas loin) sur lesquels Gluck a mis l’accent.
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu'au 15 novembre (Photo ©Stéphane Brion)

 

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