Vendredi 29 mars 2024
Concerts & dépendances
On attendait beaucoup (trop peut-être) de cette première d’un ouvrage lyrique de Bernstein à l’Opéra de Lyon : créé plus d’un demi-siècle plus tôt sur la scène de Broadway (1956), Candide connut ensuite plusieurs transformations, ajouts et coupures… assortis de nouvelles représentations, jusqu’à sa récente édition publiée en 1989 – soit quelques mois avant le décès de son auteur. Cette « comic operatta », (« Opérette comique » ?) qui requiert néanmoins un grand orchestre d’opéra, jongle entre les genres – non sans habileté avec un tel compositeur –, entre jazz, classique et comédie musicale. Si Offenbach semble bien être le modèle comique de Bernstein, on pourrait tout aussi bien y voir l’influence de Weill, dont le style pénétra en profondeur la scène de Broadway – années 1930 et 40 –, lui insufflant ce mélange caractéristique des styles et une certaine conscience politique. Dans le contexte d’une Amérique rongée par le maccarthysme et la guerre du Vietnam, adapter ce conte de Voltaire, à la fois satirique, humaniste et philosophique, n’était certes pas anodin.
Créé en France (dans une traduction française) à Saint-Étienne en 1995, l’ouvrage connaît ensuite une nouvelle production à Paris – pétulante à souhait ! – grâce au metteur en scène Robert Carsen, en 2006, suivie d’une autre, par Sam Brown, non moins réussie, pour l’Opéra national de Lorraine, sept ans plus tard. Pour qui avait eu la chance de voir ces deux derniers Candide, le spectacle lyonnais avait de quoi désappointer, non que le chef d’orchestre, Wayne Marshall, distingué à juste titre dans le répertoire américain (Porgy and Bess, Gatsby le Magnifique, Dead man walking…) à la tête d’un impeccable orchestre, peine à la tâche, bien au contraire. En revanche, quelle idée  – pour une création revendiquée « de fêtes fin d’année » – de proposer un plateau entièrement nu, sans décor hormis une bulle gigantesque, mappemonde symbolisant le voyage de Candide de la « vieille Europe » vers le Nouveau  Monde ? Pour son premier ouvrage lyrique sur un scène française, l’Américain Daniel Fish se repose sur la chorégraphe Annie B. Parson – liée, elle, à l’avant-garde new-yorkaise, de Laurie Anderson à David Byrne, en passant par Spike Lee –, qui met en scène une cinquantaine de figurants, dont les choristes de l’Opéra, pour d’agréables poses plastiques à partir d’un jeu de chaises – pas si musicales d’ailleurs, tant mouvements et gestes semblent indifférents au récit. Jeune chanteur chevronné, le ténor Paul Appleby s’ennuie dans le rôle de Candide, clown triste désarçonné par un tel vide sidéral, tout comme sa partenaire, la soprano Sharleen Joynt (Cunégonde), qui souffre elle aussi d’une absence d’écrin pour sa voix, même si elle domine le redoutable air « Glitter and be gay », avec un aigu plus stratosphérique que charnu. Derek Welton, Tichina Vaughn et Pawel Trojak, respectivement Pangloss (« Columbus and his men… », « Well, the Moor… » et « Millions of rubles… »), La Vieille dame (« No doubt… », « I was one… », etc.) et Martin (« Chanson du rire ») s’en tirent beaucoup mieux avec des voix certes plus graves mais bien timbrées. Mention spéciale au Chœur de l’Opéra, sollicité généreusement par la partition, jusqu’à l’explosif final mené grand train par un Wayne Marshall à son affaire.
Franck Mallet
 
Lyon (Opéra) 16 décembre, 20h (Photo : © Bertrand Stofleth)
 
•Prochaines représentations : dimanche 18, mardi 20, Jeudi 22, lundi 26, mercredi 28 et vendredi 30 décembre, 1er janvier
 
samedi 10 décembre 2022 à 23h45
A l’Opéra-Comique pour préparer les fêtes  : La Petite Boutique des horreurs, comédie musicale d’Alan Menken, lyrics d’Hovard Ashman. Un titre qui parle aux cinéphiles : d’abord, en 1960, un film cheap mais culte du maître de l’épouvante Roger Corman, puis en 1982 un revival scénique et musical Off-Off-Broadway, lui-même adapté au cinéma en 1986 par Franck Oz, marionnettiste du Muppet Show et de Maître Yoda dans Star Wars. En France, retour sur scène : les fans se souviennent du spectacle fauché mais inventif d’Alain Marcel, gros succès en 1985 au théâtre Déjazet. C’est cette « VF Marcel » qui a aujourd’hui les honneurs de la salle Favart. Et quels honneurs : Maxime Pascal dirigeant avec son ensemble Le Balcon une révision symphonico-pop-rock signée Arthur Lavandier, un plateau mêlant chanteurs plus (Marc Mauillon, Judith Fa, Lionel Peintre, Damien Bigourdan) ou moins lyriques, et à la mise en scène le duo gagnant Valérie Lesort - Christian Hecq, tenant tête avec leurs folles marionnettes aux effets spéciaux du 7ème art ! Le sujet s’y prêtait, mettant en vedette une plante carnivore qui finira par engloutir l’humanité entière, poussant jusqu’à ses limites (écologiques avant l’heure) le mythe de Faust revu par Frankenstein. Et en plus, elle parle et chante, cette verdure fatale, ajoutant sa voix (d’homme) au chœur de ses victimes fréquentant ladite petite boutique et maniant sans retenue les styles et tendances musicaux hérités des années 1960. On se souviendra de la plante poussée en graine plus humaine que nature (Sami Adjali, formidable manipulateur), de Marc Mauillon aussi à l’aise en fleuriste coincé pactisant avec le diable (vert) qu’en Orfeo de Monteverdi sur la même scène, du multitâche Damien Bigourdan en Fregoli d’opérette (pardon, de comédie musicale), et d’un Balcon déchaîné, tous contribuant à faire oublier les quelques longueurs de la première partie, calme (relatif) avant la tempête sanglante et gloutonne menant le monde à sa perte et le spectacle au succès.
François Lafon

Opéra-Comique, Paris, jusqu’au 25 décembre (Photo © Stéphane Brion)

 

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