Jeudi 14 novembre 2024
Concerts & dépendances
samedi 22 janvier 2022 à 01h24
En montant Les Noces de Figaro au Palais Garnier, la Britannique Netia Jones tente un essai que Christophe Marthaler lui-même n’avait que partiellement transformé en 2006 : ne pas disparaître dans l’ombre de la version « culte » de Giorgio Strehler, à l’affiche de 1973 à… 2012. De cette metteuse en scène/scénographe/vidéaste, on attendait (redoutait ?) une relecture déconstruite et militante, dans la lignée de Lotte de Beer au festival d’Aix-en-Provence (voir ici) ou de Lydia Steier à Hanovre.  Féminisme tout de même : « Je me tiens sur une ligne très fine entre réalité et fiction », avait-elle déclaré. Promesse tenue en effet, entre « Mise en abîme, se dit d’une œuvre qui en contient une autre de même nature » et « Femme, réveille-toi » d’Olympe de Gouges. Les Noces donc ou le jeu subtil de l’entre-deux : entre-deux époques, deux sexes, deux classes sociales, deux révolutions. Lieu du débat : un théâtre ... où l'on monte Les Noces de Figaro, palais de l’illusion où se disent des choses réelles. Où nous emmène-t-on ? Un studio de danse, un plateau de télévision, une loge d’artiste, un atelier de costumes, une cabine de régie. Mais là où les relectrices précitées soulignaient, surlignaient et épaississaient le trait, Netia Jones suggère, déconcerte, fait rêver. Qui joue, qui regarde, où s’arrête le théâtre, y-a-t-il une vraie vie ? Une façon plus sûre de rejoindre Mozart. Cela avec un sens certain de la direction d’acteurs ! Un mouvement, un regard, un frémissement, une façon de claquer une porte (et il en claque beaucoup) suffisent à définir un caractère. Dans la fosse, Gustavo Dudamel part d’un même principe : si Les Noces de Figaro est la quintessence de l’opéra, c’est parce que cette musique… parle. Et il la fait parler, quitte à faire prendre tous les risques à un orchestre qui en a vu d’autres. Quand la Folle journée se termine, en apesanteur sur un plateau nu où la Comtesse pardonne à son mari volage, apparaît… Non, ne spoilons pas. Disons seulement qu’on sort heureux après avoir applaudi la troupe savamment composée, d’où se détachent le formidable duo Luca Pisaroni – Peter Mattei (déjà dans le Don Giovanni « de » Michael Haneke sur la même scène), la non moins formidable Lea Desandre, Chérubin plus ado que nature, et la jeune Anna El Khashem, Suzanne au pied (presque) levé en cette période d’annulations forcées. 
François Lafon
Opéra National de Paris – Palais Garnier, jusqu’au 18 février. En direct sur France.tv/Culturebox (3 février) et dans les cinémas. Ultérieurement sur France 5. En différé sur France Musique le 26 février (Photo © Vincent Pontet / OnP)

Doublé Mozart à l’Opéra de Paris – Palais Garnier : ce soir, veille de la première des Noces de figaro new-look, concert de gala des artistes de l’Académie maison. Un rituel annuel consistant à lâcher les lionceaux de la nouvelle promotion dans la savane, à savoir la scène foulée depuis cent-cinquante ans par les grands lions du lyrique. Version de concert mais orchestre dans la fosse - le plus masqué possible - tandis que, habilement réglé par l’académicienne Victoria Sitja, le ballet des impétrants se déroule sur le plateau dans la distanciation sociale la plus stricte. Plus impressionnant, voire réfrigérant que jamais, donc. Au final, belle ovation d’une salle bondée, plus bonne enfant que de coutume in loco. On aura vu et entendu, sous la direction plus solide qu’enlevée de Vello Pähn - chef principal de l’Opéra d’Estonie mais aussi maestro attitré du ballet de l’Opéra de Paris - l’Italienne Martina Russomano, voix à fort potentiel et allure conquérante, mettre la salle dans sa poche dans Idomeneo (Ilia), et le Vénezuélien  Fernando Escalona (issu, tel Gustavo Dudamel, de l’école du « Sistema ») montrer dans Mitridate (Farnace) que la vastitude des lieux ne fait plus peur à un contre-ténor. On aura admiré, malgré son masque (qu’il est seul sur le plateau à porter), l’art de l’expression du baryon moscovite Alexander Ivanov et l’on aura été rassuré d’entendre la superbe basse américaine Aaron Pendleton prendre le pouvoir en Commandeur de Don Giovanni après un air de Sarastro (La Flûte enchantée) plus en retrait. Et tout cela sans oublier la remarque définitive de la grande Julia Varady (qui avait fait ses débuts parisiens à Garnier en remplaçant Kiri Te Kanawa en Elvira de Don Giovanni) : « Mozart est le seul à qui l’on ne peut rien cacher ».  
François Lafon 
Opéra National de Paris – Palais Garnier, 20 janvier (Photo : Martina Russomanno © DR)

 

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