Première à l’Opéra de Paris (Garnier) de Hänsel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, cent-vingt ans après sa création. En Allemagne et dans les pays anglo-saxons, cet « opéra-conte » inspiré des frères Grimm est traditionnellement donné à Noël pour un public d’enfants. Pas ici. C’est d’ailleurs aux adultes que s’adresse la mise en scène très mode de Mariame Clément. Plus de pauvre masure, plus de forêt profonde, plus de maison de pain d’épices, mais un appartement bourgeois 1900 vu en double, ou en miroir, lieu de vie vraie et univers fantasmatique : Humperdinck, wagnérien militant et assistant du maître à la création de Parsifal, avait intitulé « Festival scénique sacré pour chambre d’enfants » un premier état de son opéra. Le procédé fonctionne assez bien : vrais enfants vs chanteurs-adultes, Sorcière vs mère redoutée, Petit Bonhomme Rosée en costume Disneyland vs amie de la famille en Marchand de sable, etc. Le chef Claus Peter Flor canalise autant qu’il le peut les tempêtes wagnéro-straussiennes (c’est Strauss qui a dirigé la première à Weimar) et les chanteurs sont impeccables, à commencer par Anja Silja (73 ans), à bout de voix mais grandiose en Sorcière-meneuse de revue. Sifflets insistants au rideau final : tout cela manque de féérie. Comme si, trente-sept ans après Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées - 1976) la question n’était pas résolue.
François Lafon
Opéra National de Paris – Garnier, jusqu’au 6 mai. Diffusion en direct le 22 avril dans des salles UGC et des cinémas du monde entier. Photo © Opéra de Paris