Jeudi 28 mars 2024
Concerts & dépendances
Lyon : (Re)lire Voltaire ou jouer un clown triste ?
samedi 17 décembre 2022 à 21h38
On attendait beaucoup (trop peut-être) de cette première d’un ouvrage lyrique de Bernstein à l’Opéra de Lyon : créé plus d’un demi-siècle plus tôt sur la scène de Broadway (1956), Candide connut ensuite plusieurs transformations, ajouts et coupures… assortis de nouvelles représentations, jusqu’à sa récente édition publiée en 1989 – soit quelques mois avant le décès de son auteur. Cette « comic operatta », (« Opérette comique » ?) qui requiert néanmoins un grand orchestre d’opéra, jongle entre les genres – non sans habileté avec un tel compositeur –, entre jazz, classique et comédie musicale. Si Offenbach semble bien être le modèle comique de Bernstein, on pourrait tout aussi bien y voir l’influence de Weill, dont le style pénétra en profondeur la scène de Broadway – années 1930 et 40 –, lui insufflant ce mélange caractéristique des styles et une certaine conscience politique. Dans le contexte d’une Amérique rongée par le maccarthysme et la guerre du Vietnam, adapter ce conte de Voltaire, à la fois satirique, humaniste et philosophique, n’était certes pas anodin.
Créé en France (dans une traduction française) à Saint-Étienne en 1995, l’ouvrage connaît ensuite une nouvelle production à Paris – pétulante à souhait ! – grâce au metteur en scène Robert Carsen, en 2006, suivie d’une autre, par Sam Brown, non moins réussie, pour l’Opéra national de Lorraine, sept ans plus tard. Pour qui avait eu la chance de voir ces deux derniers Candide, le spectacle lyonnais avait de quoi désappointer, non que le chef d’orchestre, Wayne Marshall, distingué à juste titre dans le répertoire américain (Porgy and Bess, Gatsby le Magnifique, Dead man walking…) à la tête d’un impeccable orchestre, peine à la tâche, bien au contraire. En revanche, quelle idée  – pour une création revendiquée « de fêtes fin d’année » – de proposer un plateau entièrement nu, sans décor hormis une bulle gigantesque, mappemonde symbolisant le voyage de Candide de la « vieille Europe » vers le Nouveau  Monde ? Pour son premier ouvrage lyrique sur un scène française, l’Américain Daniel Fish se repose sur la chorégraphe Annie B. Parson – liée, elle, à l’avant-garde new-yorkaise, de Laurie Anderson à David Byrne, en passant par Spike Lee –, qui met en scène une cinquantaine de figurants, dont les choristes de l’Opéra, pour d’agréables poses plastiques à partir d’un jeu de chaises – pas si musicales d’ailleurs, tant mouvements et gestes semblent indifférents au récit. Jeune chanteur chevronné, le ténor Paul Appleby s’ennuie dans le rôle de Candide, clown triste désarçonné par un tel vide sidéral, tout comme sa partenaire, la soprano Sharleen Joynt (Cunégonde), qui souffre elle aussi d’une absence d’écrin pour sa voix, même si elle domine le redoutable air « Glitter and be gay », avec un aigu plus stratosphérique que charnu. Derek Welton, Tichina Vaughn et Pawel Trojak, respectivement Pangloss (« Columbus and his men… », « Well, the Moor… » et « Millions of rubles… »), La Vieille dame (« No doubt… », « I was one… », etc.) et Martin (« Chanson du rire ») s’en tirent beaucoup mieux avec des voix certes plus graves mais bien timbrées. Mention spéciale au Chœur de l’Opéra, sollicité généreusement par la partition, jusqu’à l’explosif final mené grand train par un Wayne Marshall à son affaire.
Franck Mallet
 
Lyon (Opéra) 16 décembre, 20h (Photo : © Bertrand Stofleth)
 
•Prochaines représentations : dimanche 18, mardi 20, Jeudi 22, lundi 26, mercredi 28 et vendredi 30 décembre, 1er janvier
 
 

Concerts & dépendances
 
Anciens sujets par thème
 

Anciens sujets par date
2024
2023
2022
2021
2020
2019
2018
2017
2016
2015
2014
2013
2012
2011
2010
2009