Vendredi 19 avril 2024
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Opéra Comique : Armide de Gluck, adieu au passé
dimanche 6 novembre 2022 à 01h37
A l’Opéra Comique, première représentation scénique d’Armide de Gluck à Paris depuis… 1913. Une date dans l’histoire du genre lyrique pourtant que ce pari fou du compositeur favori de Marie-Antoinette parant d’une musique nouvelle le livret de Philippe Quinault pour Lully, dont l’Armide, presque un siècle plus tôt, était devenu le mètre-étalon de la tragédie lyrique à la française. Plus encore qu’Orphée, Alceste et Iphigénie en Tauride dont la VF avait conquis Paris, la version Gluck d'Armide - à la fois hommage et adieu au passé - avait de quoi déranger les tenants du style français autant que ceux de l’opéra italien, résurgence de la Querelle des Bouffons devenant, une décennie avant la Révolution, la « Querelle des gluckistes et des Piccinnistes », du nom de Nicolo Piccinni, compositeur napolitain fêté par le parti des italianophiles. Plus d’alternance air-récitatif dans cette Armide, et une culture des affects plus que des postures : il ne s’agissait plus d’admirer, mais de s’émouvoir, faisant descendre les héros de leur piédestal. Le romantisme s’y annonce donc dans le fond, et dans la forme un discours pré-durchkomponiert (texte musical continu). Un bonheur pour Christophe Rousset à la tête de ses Talens Lyriques et du chœur Les Eléments, prompt comme jamais à chasser le moindre temps mort et insufflant à un plateau bien-disant autant que bien-chantant l’ampleur et le galbe de la période gluckiste. Somptueuse en magicienne prise au piège de ses sentiments, Véronique Gens poursuit avec lui le dialogue commencé avec le mémorable triptyque discographique Tragédiennes (Erato - voir ici). Face à elle, Ian Bostridge, seul non-francophone de la distribution, est un peu à la peine, sans rien perdre de son style ni de sa musicalité. Dommage aussi que la metteur en scène Lilo Baur ne soit pas aussi à l’aise dans l’évocation du jardin enchanté peuplé de démons tentateurs que dans l’analyse des sentiments contradictoires (la gloire vs l’amour, Bérénice n’est pas loin) sur lesquels Gluck a mis l’accent.
François Lafon

Opéra Comique, Paris, jusqu'au 15 novembre (Photo ©Stéphane Brion)

 

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