Jeudi 28 mars 2024
Concerts & dépendances
Görge le rêveur à Nancy
jeudi 1 octobre 2020 à 20h48
Quel étrange Traumgörge, troisième opéra de Zemlinsky, qu’aurait dû diriger Mahler, son commanditaire, à Vienne, en octobre 1907, si ce dernier n’avait quitté son poste quelques mois plus tôt. Créé tardivement, à Nuremberg, en 1980, l’ouvrage connaît un certain succès, suivi d’un premier enregistrement dirigé par Gerd Albrecht (Capriccio). À Nancy, on apprécie Zemlinsky au point que ces dernières saisons virent à l’affiche pas moins trois de ses ouvrages : Une Tragédie florentine, le Roi Candaule et Le Nain. Nouvelle surprise avec en ouverture de saison ce Görge le rêveur dont l’Opéra assurait la création française. Proche de Schoenberg et professeur de Korngold,  le compositeur fut marqué autant par Richard Strauss que par Mahler. À trente-cinq ans, il commence par une sorte de conversation en musique dans l’esprit de Strauss : sonorités raffinées et élégance du chant – excellemment préservés dans cette réduction pour une vingtaine d’instrumentistes – covid oblige – par Jan-Benjamin Homolka, auteur également d’une version de chambre du Nain. Görge, c’est un peu Zemlinsky, l’artiste rejeté par la société qui choisit, guidé par une princesse, de vivre dans un royaume enchanté où il trouvera Gertraud, l’âme sœur. Dans l’épilogue, le voici de retour dans son village natal… mais cette fois apprécié de tous. Voix puissante, forçant systématiquement les aigus – ça s’arrange un peu au 2e acte –, le ténor Daniel Brenna wagnérise outre mesure son personnage de Görge. En revanche, le reste de la distribution se coule dans le langage tout en nuance du compositeur, en particulier le double rôle de la Princesse / Gertraud de la soprano Helena Juntunen, déjà appréciée à Nancy – entre autres dans la Marietta de La Ville morte de Korngold (2010 et 2015) et Donna Clara, du Nain du même Zemlinsky (2013). C’est elle la vraie vedette de l’opéra, bien entourée par le reste des chanteurs. Moins empourpré et plus retenu que le postromantisme de son élève Korngold (Violanta, La Ville morte…), le style de Zemlinsky nécessite à la fois une transparence et des couleurs en demi-teintes, mais aussi des coups de griffe pour évoquer la souffrance existentielle des personnages. Un fantastique mahlérien que restitue avec panache la chef d’orchestre hongroise Marta Gardolinska, tandis que le metteur scène Laurent Delvert parvient à suggérer la violence sous-jacente du conte avec ses aubes irréelles, ses êtres mystérieux et ses feux démoniaques. Un spectacle à revoir le mois suivant à Dijon, coproducteur.    
                                                                      Franck Mallet

Prochaines représentations : 2, 4 et 6 octobre, Opéra national de Lorraine, Nancy ; 16, 18 et 20 novembre, Opéra de Dijon.

Photo : Görge le rêveur@Jean-Louis Fernandez
 

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