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Concerts & dépendances
Stockhausen journée 2 : Lucifer dans ses oeuvres
samedi 29 juin 2019 à 02h26
Clôture à la Cité de la Musique du festival Manifeste (Ircam – voir ici) : création française de Samstag aus Licht, deuxième volet de l’intégrale du grand œuvre en sept journées de Karlheinz Stockhausen entreprise par Maxime Pascal et Le Balcon à l’Opéra Comique en novembre dernier (voir ). Après Donnerstag (jeudi), où était présentée la trinité cosmique Michael - Lucifer - Eva, Samstag (samedi), jour de Saturne, est dédiée à Lucifer. Rien de faustien, pas de pacte ni de damnation, plutôt une « guerre entre Michael et Lucifer sur le défilement du temps, le premier voulant le développer, le second le comprimer », métaphore d’un univers dont la musique serait le principe. Là encore, mais poussée à son point extrême, une volonté de « rendre visible l’invisible ». Rude travail pour les metteurs en scène (une équipe par « journée »), cette fois le duo Damien Bigourdan - Nieto (vidéo) qui, après Benjamin Lazar (Donnerstag), ont pour tâche de donner corps à cette cosmogonie complexe et au fond assez naïve (« le désir enfantin de se prendre pour Dieu »). Gageure tenue : la présence, effective ou latente, de l’Ange déchu à travers les quatre scènes dont l’ouvrage est fait (environ 3h15 de musique), tenant compte de l’accumulation des références mais aussi d’une série de clins d’œil diaboliquement distribués, telle la grève de l’orchestre venant interrompre la "Danse de Lucifer" (scène 3), dont chaque section anime un visage géant perdant ainsi toute harmonie. Réussie aussi l’incarnation des personnages par des instruments (la flûte de Claire Luquiens figurant le Chat noir Kathinka face aux six sens représentés par des percussionnistes), le tout dans une esthétique de space opera tétralogique, où le seul soliste chantant est Lucifer lui-même, (excellent Damien Pass, déjà impressionnant dans Donnerstag), engagé dès la première scène dans un fatal jeu de séduction/domination avec le pianiste Alphonse Cemin, inattendu en créature du Diable transgenre. Selon la volonté du compositeur (impossible à satisfaire lors de la création à la Scala de Milan en 1984), l’Adieu final a lieu dans une église proche (Saint-Jacques-Saint Christophe), rituel énigmatique pour trente-neuf chanteurs (dont treize basses), sept trombones et orgue, combat final entre Lucifer et Saint François d'Assise se terminant sur le parvis par l'envol d’un oiseau noir et le massacre d’une cargaison … de noix de coco. Gros succès - devant les passants justement étonnés - pour les Balconiens (augmentés du Chœur de l’Armée française et de l’Harmonie du Conservatoire régional de Paris), décidément experts dans l’art de faire apparaître les résonnances actuelles de ce monument mal compris en son temps. 
François Lafon

Cité de la Musique, église Saint-Jacques-Saint Christophe, Paris, 29 et 30 juin – Disponible ultérieurement sur medici.tv et internet live.philharmoniedeparis.fr (Photo © Nieto)

 

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