Récital Chopin de Maurizio Pollini à Pleyel. Salle comble, rangées supplémentaires de chaises sur scène. A la fin, quatre bis, dont la première Ballade et la Berceuse. Standing ovation. Beaucoup ont appris leur Chopin en écoutant Pollini, en usant ses disques. Alors qu’est-ce qui rend une telle soirée inoubliable ? Contre lui : un son un peu sec, un refus de l’effet qui frise l’ascétisme. Pour lui : une main gauche qui parle et une droite qui chante, un rubato léger qui évoque vraiment ce vent dans les feuilles dont parle Chopin, une façon sans pareille de faire flamber la musique au moment où l’on s’y attend le moins. Mais cette soirée en particulier ? Le programme : les vingt-quatre Préludes, huit Etudes de l’op. 25. Il y aurait un livre à écrire sur les enchaînements selon Pollini, sur la très légère respiration qu’il prend, ou ne prend pas, ou qu’il décale un peu, pour passer du majeur au mineur, sur les correspondances, les idées fixes (merci Berlioz), les embryons de leitmotifs (merci Wagner) qu’il indique sans en avoir l’air, sur la façon dont il éclaire un accord, une formule dont le XXème siècle fera son miel. Entre ces deux voyages au long cours, un 1er Scherzo fulgurant, deux Nocturnes op. 27 d’autant plus mystérieux qu’ils ne cherchent pas à l’être. Le tout-venant ? Pour lui, oui. C’est dire !
François Lafon
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