Nietzsche/Wagner : le Ring, hier soir au Théâtre Charles-Dullin de Grand-Quevilly (Rouen). Succès la semaine dernière à Reims. Tournée en vue. Le titre se prête aux fausses pistes. Dialogue philosophique ? Explication de textes ? Non. C’est la répétition d’une Tétralogie de poche. Sur scène, devant un rideau magique (mur et forêt en même temps), trois chanteurs, des assistants, des techniciens. Dans la fosse, une vingtaine de musiciens de l’Orchestre de Basse-Normandie et leur chef Dominique Debart. Vient un empêcheur de chanter en rond : Nietzsche, l’amoureux déçu, le fanatique revenu de sa passion. Il nous donne toutes les raisons – les meilleures comme les pires – de détester Wagner. En réponse, les chanteurs chantent et les musiciens jouent. Ce ne sont pas les moments qu’on attend (pas de Chevauchée, pas de Marche funèbre), mais les scènes clé, entre Wotan et Brünnhilde, entre Brünnhilde et Siegfried, entre Siegfried et ses rêves. Les chanteurs sont très jeunes, l’orchestre joue avec la finesse qu’il mettrait à Siegfried-Idyll. On se croirait revenus aux origines, quand le format wagnérien n’existait pas. Alain Bézu, le metteur en scène, casse l’enchantement quand il le faut : réjouissante explication au tableau noir de la généalogie des dieux, film muet façon Méliès, où l’on voit le vilain Hagen ourdir ses complots. Ce n’est ni Le Ring pour les Nuls, ni une leçon de théâtre musical. C’est le poison et l’antidote en même temps. Amenez vos amis que Wagner endort. Si cela ne les réveille pas…
François Lafon