Au Châtelet pour les fêtes : My Fair Lady. Superproduction (3 millions d’euros), mise en scène chic et réussie de Robert Carsen, distribution de grands professionnels anglais, qui jouent là un de leurs classiques. A Paris, des versions en VF ont souvent été annoncées, venues de Belgique ou d'ailleurs, mais elles n'ont jamais passé le périphérique. Inadaptable, disait-on, intraduisible cette histoire de marchande de fleurs venue du ruisseau, qui entre dans la bonne société parce qu’elle apprend à parler correctement l’anglais. On n’a pourtant jamais hésité à monter Pygmalion, la pièce de Bernard Shaw dont le musical est une copie presque conforme, et tant pis si l’accent de Belleville n’a pas les mêmes implications que le cockney londonien. Le film de George Cukor, aussi, avait achevé de dissuader les téméraires. Hier à l’entracte, on entendait : « Elle est bien, cette Sarah Gabriel, mais, bon, Audrey Hepburn… ». Des réactions d’enfants gâtés, les mêmes que l’année dernière, même endroit, avec La Mélodie du bonheur. Là, on regrettait Julie Andrews, qui est d’ailleurs la créatrice de My Fair Lady au théâtre. Et puis, ne serait-ce que pour la pirouette finale, où Carsen réinjecte le cynisme de Shaw dans le happy end obligatoire du musical (je vous laisse la surprise), le spectacle mérite de passer à l’Histoire. En juin prochain, il sera repris au Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg. Là, ce sera une vraie première, et autrement plus symbolique qu’elle ne l’est ici.
François Lafon
Châtelet, Paris, jusqu’au 2 janvier.